Au Musée d’Ixelles, retour probable de la «gratuité du premier dimanche»

ConsoLoisirs

Par | Journaliste |
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Le Musée d’Ixelles est l’une des premières institutions à avoir appliqué la «gratuité du premier dimanche». Sur la photo, on le voit faire la fête à cette gratuité, le 2 mars 2008. Photo © DR

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Lecture 28 min.

Lorsque le MR remplaça dans la majorité le CDH et ECOLO (le PS restant au pouvoir), la «gratuité du premier dimanche» fut arrêtée. Consoloisirs vous annonce qu’avec la fin des travaux actuels qui vont métamorphoser le Musée d’Ixelles, on va sans doute assister au retour de cette gratuité. Pourquoi? Lire l’article ci-dessous.

SOMMAIRE

1. Retour probable de la «gratuité du premier dimanche» au Musée d’Ixelles
2. C’est l’un de nos plus grands et nouveaux musées
3. Radio: pour draguer par le biais de l’écrit
4. Quinze ans de détermination paient: deux nouvelles avancées formidables
5. Indiquer au visiteur la non-exposition d’une œuvre avant l’achat du ticket
6. Cinq cents euros pour tes 18 ans
7. Est-ce beaucoup ou peu de monde?
8. Les sponsors au pilori
9. Qui veut la peau de la RTBF?

1. Retour probable de la «gratuité du premier dimanche» au Musée d’Ixelles

Il y a dix ans déjà, le 2 mars 2008, le Musée d’Ixelles organisait sa «fête de la gratuité du premier dimanche».

Cette activité célébrait le troisième anniversaire du démarrage de cette gratuité mensuelle dans cette institution qui est l’un des plus beaux musées communaux du pays, notamment avec sa collection complète des affiches créées par Toulouse Lautrec (il n’en existe que deux dans le monde entier). Aux cimaises: Picasso, Magritte, Wouters, Spilliart, Alechinsky, Permeke, Van Rysselberghe, Miro, Delvaux, Morisot, Rops…
Ce fut un grand succès (voir les photos).

La demande que le Musée d’Ixelles applique la gratuité du premier dimanche fut soutenue par plus de 150 habitants de la commune. Elle fit l’objet de la toute première interpellation par des citoyens au conseil communal, le 30 septembre 2004.
Voir le dernier point de cet article publié en 2004 par «Le Journal du Mardi»… et déjà intitulé à l’époque «Tous les musées gratuits, douze dimanches par an!». Il rappelle une série d’événements bien intéressants aujourd’hui oubliés liés à ce combat culturel:
http://www.consoloisirs.be/articles/lejournaldumardi/040914.html

Par la suite, lorsque le MR intégra la majorité ixelloise (le PS est resté au pouvoir, le MR a succédé au CDH et à ECOLO), la «gratuité du premier dimanche» fut interrompue.

Le musée d’Ixelles vient de fermer pour quatre années de travaux. Consoloisirs peut aujourd’hui vous annoncer que la «gratuité du premier dimanche» sera restaurée lors de sa réouverture. Voici les échanges écrits en mars 2018 entre Consoloisirs et Romain De Reusme, l’échevin des travaux publics d’Ixelles (PS):

- Première question de Consoloisirs: Le Musée d'Ixelles réouvrira-t-il en restaurant sa gratuité «du premier dimanche du mois» pour son fond permanent?Lorsque celle-ci fut interrompue, l’échevin de la culture expliqua que c’était parce que la disposition des lieux ne permettait pas de séparer, pour les visiteurs, les expositions temporaires des espaces où est présenté le fond permanent et il voulait que cette gratuité ne concerne que le fond permanent.
Il ajoutait que d’importants travaux de réaménagements (ceux qui vont commencer en 2018) permettraient de trouver une solution et donc de réintroduire cette gratuité mensuelle.
Maintenant que les travaux vont commencer, puis-je savoir précisément si lors de l’élaboration des plans, il a été tenu compte concrètement de cette position de l’échevin de la culture?
Cette position de l’échevin de la culture a-t-elle été communiquée à l’échevin des travaux publics? En avez-vous tenu compte?

- Première réponse de l’échevin Romain De Reusme (PS): J'ai le plaisir de vous informer que le projet de rénovation et d'extension du Musée d'Ixelles crée une nouvelle zone de circulation qui réunira les quatre différents bâtiments et les intégrera en un seul musée.
Cette nouvelle zone de circulation deviendra le cœur du Musée d’Ixelles et regroupera entre autres le hall d’entrée, la billetterie, un nouveau shop et la création d’une cafétéria.
Une utilisation séparée des espaces pour les expositions temporaires et permanentes sera rendue possible grâce à l’implantation de cette nouvelle entrée.
Je reste à votre entière disposition s'il fallait éclaircir des éléments du projet architectural.

- Deuxième question de Consoloisirs: Merci… Sinon que sur ce détail-ci, je n’ai pas de réponse: «Cette position de l’échevin de la culture a-t-elle été communiquée à l’échevin des travaux publics?»

- Deuxième réponse de l’échevin Romain De Reusme (PS): Oui, la position de l'échevin de la culture m'a été communiquée.

2. C’est l’un de nos plus grands et nouveaux musées

La prochaine fête de la gratuité «du premier dimanche du mois» se déroulera le dimanche 6 mai de 10H00 à 18H00 dans un très beau nouveau musée de Bruxelles, la Maison de l’Histoire Européenne, situé dans le Parc Léopold (135, rue Belliard).

3. Radio: pour draguer par le biais de l’écrit

Draguer par le biais de l’écriture, c’est le thème d’une émission de radio d’une heure proposée en direct le 2 mars 2018 par Radio Campus que vous pouvez réécouter ici.

Graziella Van Loo y interviewe Aude Hendrick, la conservatrice du Musée des égouts. Cette institution de la ville de Bruxelles vient de lancer une collecte de photos de graffitis dénichés dans les toilettes publiques.
Vos photos sont à envoyer jusqu’au 6 octobre 2018 via le formulaire sur www.museedesegouts.brussels ou sur les réseaux sociaux avec le hashtag WCONTEST2018.

Je suis également invité dans cette émission pour présenter mon livre «Une vie à séduire» qui parle également de drague, de rencontre par l’écriture: les «petites» annonces qui paraissent dans les journaux, le facteur qui apporte (ou apportait…) des lettres d’amour, les échanges tard la nuit en interactivité sur les sites de rencontres…

Il sera intéressant de comparer les résultats de ce concours du Musée des égouts avec le contenu du livre «Sexe & Graffiti» de Ernest Ernest (Éditions Alain Moreau) publié en 1979 et qui, lui, ne s’intéresse qu’aux graffitis érotiques.
Peut-être parce que la presse populaire française (Le Chasseur Français, par exemple) avait ignoré les annonces de «rencontres» des homosexuels (c’est le quotidien «Libération» qui sera le premier à en publier au début des années ’80), ceux-ci s’étaient rattrapés sans doute inconsciemment en multipliant les graffitis de recherches érotiques sur les murs des gares, prisons, hôpitaux, casernes, piscines, stades ou bâtiments scolaires et universitaires. Et, bien entendu, dans les toilettes du monde entier.
C’est l’une de deux théories d’Ernest Ernest qui émergent de son enquête «compulsive» sur le terrain : la majorité des graffitis sont d’origine homosexuelle. D’autre part, les cultures du Nord sont plus fécondes que celles du Sud concernant ce moyen d’expression on ne peut plus populaire.
Ernest Ernest est le pseudonyme quasi situationniste d’un discret documentaliste scientifique qui se muait, durant ses heures de loisirs, en «explorateur du dessous urbain», comme le définit son préfacier Alain Jaubert.
Pendant près d’une quinzaine d’années, dès 1965, il transcrit et décalque dans de petits carnets plus de 15.000 graffitis dont un dixième sera reproduit dans les 352 pages de son opuscule.
C’est un peu pour moi un cousin (pas trop) éloigné car, à sa façon, il tente de pérenniser par l’écrit les mots du désir. De façon brute et non moralisante. Ernest Ernest ne souhaite pas que l’on fasse bavarder linguistes, psychiatres ou sémiologues sur le matériau qu’il a recueilli : «(...) car s’il a mené avec une rigueur toute scientifique son entreprise, il préfère la collection, l’accumulation des graffitis à leur interprétation savante».
Les «contre» parleront d’obscénité et de misère sexuelle.
L’avis de Jaubert est bien différent : «J’y vois au contraire la plus grande richesse. (...) L’ordure sexuelle envahit tout. La subversion est générale : l’orthographe, la typographie, la calligraphie, le lexique, la rhétorique, l’épopée, la prophétie, la publicité, la citation illustre, le proverbe... Parodie et parodie de la parodie. Giclée du fantasme brut (...). En somme, le grouillement bestial et angélique de la vie...».
Ne sont sélectionnés dans ce livre que les graffitis sexuels. Ils sont classés par pratique particulière. Un chapitre est consacré à chacune d’entre-elles.
Dans l’ordre d’apparition : hétérosexualité ; amour en groupe ; bisexualité ; homosexualité masculine ; sadomasochisme homosexuel ; homosexualité féminine ; onanisme masculin ; onanisme féminin ; zoo.
Il faut de tout pour faire (les fantasmes d’) un monde !

4. Quinze ans de détermination paient: deux nouvelles avancées formidables

Le combat mené pour qu’à terme la majorité des musées belges (y compris les musées fédéraux) deviennent gratuits chaque premier dimanche du mois a commencé il y a tout juste quinze ans. Voici le premier article qui en parle.

C’est l’asbl Arts & Publics, son conseil d’administration, ses travailleurs et son infatigable coordinateur Jacques Remacle qui sont les fers de lance des deux récentes victoires qui méritent de trôner sur le gâteau d’anniversaire.

- 1: Le 21 mars 2018, a été adopté, à l’unanimité en commission, une résolution initiée par Fabien Maingain, député bruxellois (DéFI), qui demande au Parlement Bruxellois de considérer désormais que les diverses gratuités des musées dans la capitale (musées gratuits tous les jours, gratuité du 1er mercredi du mois, gratuité du 1er dimanche du mois) soient considérées comme un argument utile au tourisme et de mettre en place une promotion récurrente de celles-ci.

La télévision bruxelloise l’a interrogé à ce sujet (à partir de la minute 10).

Voici le texte de cette proposition de résolution déposée également par Isabelle Emmery, Julie de Groote, Els Ampe, Jef Van Damme et Brigitte Grouwels.

Si l’on espère que la gratuité attire un nouveau public, sa promotion dans les médias chaque fois qu’elle se déroule est une priorité absolue. On retrouvait déjà trace de cette réflexion en 2004, dans l’Appel pour la gratuité des premiers dimanches du mois dans tous les musées de Belgique.
L’originalité de cette pétition provenait du fait qu'elle n'émanait pas du «milieu» muséal, mais d’usagers culturels.
Parmi sa centaine de signataires, on retrouvait Arthur Haulot, Anne Morelli, Philippe Grollet, Roger Somville, Pierre Mertens, Daniel Hanssens, Jeff Bodart, Jaco Van Dormael, les anciens Ministres Philippe Mahoux (PS) et Richard Miller (MR), Joëlle Milquet (CDH), Jean-Michel Javaux (ECOLO), le Conseil de la Jeunesse (CJEF) ainsi que les deux "stars" les plus éminentes de la RTBF de l’époque, Bla-Bla et Malvira (à la demande de leurs géniteurs Bernard Halut et Patrick Chaboud). Fadila Laanan s'était positionnée en faveur de cet Appel, quelques semaines avant d'être nommée ministre de la culture.
En plus de la gratuité dominicale, cet Appel prônait «que chaque musée mette en évidence, chaque mois, une œuvre différente. Cette attitude confortera la curiosité du public et ressourcera l'intérêt des médias pour annoncer mois après mois ces festivités».

- 2: D’autre part, à la Chambre des Représentants de Belgique, fin 2017, Messieurs Gauthier Calomne et Richard Miller, tous deux MR et donc de la majorité, ont déposé une résolution visant à instituer la gratuité pour l’ensemble des musées fédéraux, chaque premier dimanche du mois.

On imagine que tous les partis démocratiques francophones de l’opposition vont également soutenir ce texte puisqu’ils ont développé cette gratuité lorsqu’elle a été initiée en Fédération Wallonie-Bruxelles, avec le succès que l’on connait (150 musées la pratiquent actuellement, alors que l’autre gratuité, celle du premier mercredi du mois, fait du statu-quo depuis une quinzaine d’année avec une dizaine de musées).

Côté flamand, le MR ne sera sans doute pas isolé. Il pourrait notamment être soutenu par le SP.A.

En effet, Le Soir du 16 décembre 2004 relatait une manifestation ludique qui s’était tenue sous la neige sur les marches de l’entrée des Musées Royaux d’Art Ancien et Moderne de Bruxelles : «Père Noël s’investit dans la culture. Vous avez peut-être aperçu, ce mercredi midi, une quarantaine de personnes affublées de bonnets rouges distribuer tracts (bilingues) et petits remontants aux passants frigorifiés. Ces militants étaient venus soutenir la proposition de résolution de la députée SP.A Magda de Meyer d’ouvrir gratuitement les musées fédéraux, chaque premier dimanche du mois». Des comptes-rendus analogues furent publiés à la même date dans De Morgen et Het Laatste Nieuws.
Le tract signé par le SP.A pourrait être réimprimé 14 ans plus tard intégralement : «Nous avons de splendides musées en Belgique... mais trop peu d’habitants les visitent. Le prix peut constituer un frein pour une partie importante de la population. Tout le monde devrait avoir accès à notre riche patrimoine. C’est pour cela que la députée Madga de Meyer revendique la gratuité de nos musées, chaque premier dimanche du mois. À l’étranger (en France et en Angleterre), différentes expériences prouvent qu’ainsi, un nouveau public trouve le chemin des musées. Actuellement, nos musées fédéraux sont déjà gratuits, chaque premier mercredi du mois après 13H, mais presque personne ne le sait. Pareil horaire est discriminatoire pour les personnes qui travaillent».

Quel beau cadeau pour fêter ces quinze ans de combat! Au moment précis où nous achevons la rédaction de cette newsletter, nous apprenons que près de 100 musées situés dans toutes les régions du Québec ouvriront bientôt leurs portes gratuitement un dimanche par mois.

5. Indiquer au visiteur la non-exposition d’une œuvre avant l’achat du ticket

La «gigantesque statue de l’île de Pâques» fait partie de la petite dizaine d’attractions sélectionnées dans le texte qui apparait lorsqu’on clique sur l’onglet «Collections» sur le site du Musée du Cinquantenaire.

Lorsque sur le même site, on arrive à découvrir la rubrique des «civilisations non européennes», on apprend que la salle Océanie est momentanément fermée au public. On en conclut qu’on ne peut pas admirer avec un ticket «fond permanent» la fameuse statue.

Effectivement, celle-ci, jusqu’au 29 avril 2018, n’est accessible qu’aux regards des visiteurs qui ont acheté un ticket pour l’exposition temporaire «Océania».

On ne peut rien reprocher sur ce point au site internet du musée (bien qu’il faille le fouiller longtemps pour avoir accès à cette information qui mériterait plutôt de se situer sur la page d’accueil ou à proximité de la tarification).
Par contre, où est le respect du visiteur qui vient découvrir ce musée en se référant à ce qu’il sait déjà grâce à ses visites précédentes ou après avoir lu des guides touristiques?

Aucun avis n’indique cette fermeture de la salle «Océania» dans le hall d’accueil où se trouve le guichet pour les achats des tickets.
J’ai vérifié les lieux en mars 2018: il demeure sur les murs de ce hall de nombreux espaces vides qui permettraient de prévoir l’affichage d’un avis indiquant les salles dont l’accès est momentanément, voire définitivement fermé.

Imaginerait-on que les colorants d’une boîte de petits pois seraient mentionnés sur une languette placée à l’intérieur du produit, à découvrir donc après achat lors de l’ouverture de l’emballage?
On en est pourtant là avec les droits des visiteurs. Tant de musées indiquent uniquement par un avis la non présentation au public d’une œuvre à l’endroit même où celle-ci est habituellement exposée. Ce n’est pas suffisant.

Cette information doit nécessairement être également présente sur le site internet ET à l’accueil du musée pour permettre aux visiteurs qui se déplaceraient avec l’intention d’admirer telle ou telle œuvre précise d’être informés du «contenu» du musée et de décider en connaissance de cause d’acheter ou non son ticket.

Se pose un problème complémentaire. Pourquoi la statue de l’île de Pâques n’est-elle pas restée accessible à tout le public qui fréquente le musée du Cinquantenaire pendant cette exposition «Océania»?
Il suffisait d’en baliser sa localisation dans l’espace réservé au fond permanent où elle trône pour les visiteurs qui sortaient de cette expo temporaire.
N’est-il pas malsain de priver ainsi le public d’une œuvre qu’il est habitué à contempler alors qu’elle ne part pas en restauration ou qu’elle n’est pas en voyage pour être exposée dans un autre musée?
Cette pratique ne donne-t-elle pas trop de pouvoirs aux expositions temporaires par rapport au fond permanent?

La bureaucratie institutionnalisée dans nos musées fédéraux est rarement soucieuse des intérêts des usagers, et même s’il y a bonne volonté de la part de la direction. Ce respect du public est d’autant plus absent qu’il se cache assez régulièrement sous le masque du «On a de moins en moins de moyens». Il ne faut pas que le monde politique, ni les journalistes prennent cet argument … pour argent comptant. Constatez que les affichages dont il est question ici ne coûtent quasi rien.

Hélas, il faut se replacer dans le contexte actuel, dans le réel du quotidien muséal. Plusieurs bénévoles qui accueillent les visiteurs au Musée du Cinquantenaire m’ont expliqué très récemment qu’il était désespérant d’obtenir ne fut-ce qu’un bic pour exercer leur tâche, tellement celle prenait de semaines d’attente et de papiers à remplir.

6. Cinq cents euros pour tes 18 ans

En France, chaque jeune recevra bientôt un «pass culturel» de 500 euros pour fêter ses dix-huit ans. Cette initiative qui va rapidement se mettre en place (un premier test dans quatre départements est déjà prévu pour cet automne) mérite vraiment réflexion.

Bien entendu, le débat est de savoir quelles productions culturelles seront proposées dans ce pass. Celles qui intéressent déjà de très nombreux jeunes ou/et celles que souhaitent leur conseiller les adultes, et selon quels critères?

D’autre part, 18 ans n’est peut-être pas l’âge adéquat. «À cet âge-là, les décrochages et les segmentations culturelles se sont déjà opérées» relève le directeur du MuCEM (musée à Marseille).

Enfin, pour réduire l’inégalité d’accès à la culture des jeunes, la seule solution serait l’initiation régulière à la culture dans l’enseignement scolaire. Il n’en est toujours pas question.

Un article paru récemment dans Le Monde débusque enjeux et pièges.

7. Est-ce beaucoup ou peu de monde?

Pour la gratuité du 1er dimanche du mois, tout le monde demande des enquêtes sur les résultats de fréquentation. Par contre, quasi personne ne semble se soucier de l’efficacité pour celle du premier mercredi du mois. Étonnant, n’est-ce pas?

Au moment où au niveau fédéral va se poser la question d’adopter la gratuité du premier dimanche (voir plus haut, le point 4), il m’a semblé intéressant de se pencher sur l’actuelle fréquentation des premiers mercredis du mois.

Il ne s’agit pas d’une gratuité mensuelle pour un public spécifique (pour les enfants par exemple) mais bien d’une «gratuité pour tous». En effet, Le Soir et La Libre Belgique, dans leurs éditions du 28 août 1997, indiquaient de concert (il s’agit sans doute d’un extrait du communiqué de presse) que cette nouvelle mesure était prise «dans le souci de favoriser la visite au musée pour le plus grand nombre».

Les Musées Fédéraux appliquent discrètement cette gratuité, ce qui me semble être un non sens dès lors qu’un de ses objectifs serait de tenter de sensibiliser de nouveaux publics (le visiteur potentiel ne peut utiliser que les gratuités dont il connait l’existence).

J’ai choisi le musée le plus spacieux, le Musée du Cinquantenaire, pour me faire une idée sur la fréquentation occasionnée par cette gratuité «pour tous».
Il ne faut pas comparer la fréquentation des M.R.B.A.B. (Musée Magritte, Musée d’Art Ancien, Musée Fin de siècle) avec celle du Musée du Cinquantenaire, ce dernier souffrant de sa localisation éloignée du centre ville.

Le premier mercredi de mars 2018, pendant cinquante minutes (de 15H50 à 16H40), j’ai arpenté au pas de charge une cinquantaine de ses salles avec un bloc-note et j’ai photographié… peu de visiteurs.
Vous trouverez vingt de ces photos dans l’album «Fréquentation gratuité 1er mercredi du mois musées Bxl» sur mon profil Facebook.

J’ai croisé 46 visiteurs dont 5 étudiant(e)s qui faisaient des croquis d’oeuvres exposées.

Parmi ces visiteurs, une demi-douzaine d’enfants. Ce qui me semble dérisoire puisque les défenseurs de cette gratuité utilisent souvent pour argumenter le choix du mercredi après-midi le fait que ce jour-là les enfants n’ont pas école et peuvent visiter les musées avec leurs grands-parents.

En 2004, j’écrivais déjà: «(…) Sur le fait de préférer la gratuité d'un dimanche par mois à celle du mercredi, la ministre Fientje Moermen (VLD) qui avait en charge les musées fédéraux fut interpellée, le 22 janvier dernier, par le sénateur Jean-François Istasse (PS).
Elle lui a rappelé que le mercredi après 13H00 était le moment où «les enfants sont les plus susceptibles de venir visiter le musée avec des grands-parents ou un parent qui peut se libérer à ce moment: travailleur à temps partiel, enseignant».
Cette énumération de la ministre démontre involontairement que le choix du mercredi est discriminatoire pour les enfants dont les parents travaillent à plein-temps... et surtout pour tous les visiteurs potentiels majeurs qui n'ont pas congé en semaine. Il est instructif de découvrir que la même Mme Moermen reconnaît implicitement que cette gratuité doit s'adresser à tous les visiteurs: «Une gratuité partielle reste une mesure importante pour améliorer l'accessibilité de la culture et pour offrir au contribuable une possibilité d'y accéder sans droit d’entrée».
Et puis, les enfants... pourraient également être présents le dimanche, avec les grands-parents mais aussi avec tout le reste de leur famille.

Voici mon décompte salle par salle (les noms des salles sont rarement signalés aux entrées de celles-ci):

  • Musée du coeur (une salle): 1 visiteur
  • Salle Vases Art-Déco Charles Catteau (une salle): 2 visiteurs
  • Grand hall: 0 visiteur
  • Salles Gothiques (une demi-douzaine de salles): 4 visiteurs
  • Salles proches du cloître avec dinanderie, étains, ferronneries: 8 visiteurs
  • Salles proches du cloître avec sculptures de pierre, stèles: 6 visiteurs
  • Salles proches du cloître avec Verreries anciennes: 0 visiteur
  • Salle avec le retable Passion d’Oplinter: 0 visiteur
  • Salle aux tapisseries: 0 visiteur
  • Salles (une demi douzaine) avec sculptures en bois et retables: 1 visiteur
  • Salle Dentelles et éventails: 0 visiteur
  • Espace Art décoratif, baroque (une demi-douzaine de salles): 1 visiteur
  • Salle Océanie (avec la barque): 0 visiteur
  • Salle Textiles et plumes: 1 visiteur
  • Salle Tibet - Népal: 0 visiteur
  • Salle Chine: 0 visiteur
  • Salle Vietnam: 4 visiteurs.
  • Salle Cambodge - Thaïlande: 2 visiteurs
  • Grand espace Rome Antique (avec la légendaire reproduction en relief de la ville de Rome… non éclairée, et donc peu utile): 6 visiteurs
  • Espace au Niveau 1: 5 visiteurs
  • Salles Egypte au Niveau 2 (une dizaine de salles): 6 visiteurs

8. Les sponsors au pilori

Bien entendu, quand les responsables culturels pensent ne pas disposer d’assez d’argent, ils font très vite appel aux sponsors et aux mécènes.

Il faudrait d’abord s’interroger s’il faut avoir tant de briques dans le ventre. À Bruxelles, la situation est actuellement particulièrement paradoxale par rapport à ses salles de cinéma et ses musées.
On y multiplie les nouveaux bâtiments lourdement aidés et, en même temps, on assèche les aides publics des activités déjà existantes et qui, elles, ont fait leurs preuves (par exemple, les cinémas Galeries et Nova), quitte à menacer leur survie économique.
Peut-on parler de tentation de créer ou développer de faux besoins? L’élite culturelle, politique et médiatique adore les nouveaux lieux. Oubliant sans doute que ceux-ci doivent vivre à moyen et long terme et mener un patient travail de démocratisation culturelle pour lequel il ne restera, dans le meilleur des cas, que les miettes.

Cette surenchère mène notamment à la recherche du sauveur-sponsor. Deux événements récents nous ramènent les pieds sur terre.

- 1: D’abord, l’affaire Damso où je ne prendrai pas position sur le fait qu’il s’agit ou non d’une erreur, voire d’une faute de casting pour la chanson-hymne qui devait escorter les Diables Rouges au Mondial en Russie. Mais je pense que le scandale majeur, bien peu médiatisé lui, de cette affaire est le fait que les organisateurs ont permis que leurs sponsors influencent de façon déterminante leur choix culturel. La ligne rouge a ainsi été franchie de façon particulièrement dangereuse. Il ne faut pas que les sponsors ou les mécènes influent sur les contenus artistiques. Ceci doit être un combat majeur pour le respect non seulement des créateurs mais aussi, et tout autant, des usagers culturels.

- 2: Ensuite, relevons l’intéressante réaction de militants écologistes contre le mécène Total au Louvre.

- 3: Pour ceux que tout ceci aurait mis en appétit d’en découvrir davantage sur les coulisses nauséabondes du mécénat, je vous rappelle ici un travail journalistique qui se lit comme un roman, comme un thriller. Soyez autant passionné à sa lecture que je l’ai été.

9. Qui veut la peau de la RTBF?

La RTBF est sans doute bien plus fragile qu’elle ne l’imagine. Il faut garder en mémoire comment, en Europe, des télévisions et radios de service public ont failli, quasi du jour au lendemain, disparaître (la votation en Suisse, au mois de mars 2018) ou ont carrément disparu (ERT en Grèce, juin 2013). Or, nous tenons au service public comme à la prunelle de nos yeux et donc nous devons éviter tout prétexte qui pourrait à court ou moyen terme anéantir la RTBF.

Nous pensons que tôt ou tard, si la RTBF s’écarte trop de ses missions spécifiques (par exemple en les marginalisant pour ne toucher plus que des publics minoritaires) et si elle devient de plus en plus gourmande en aides de l’état ainsi qu’en recherches publicitaires pour ses médias tant traditionnels (radios, télés) que nouveaux (internet), il arrivera un jour où son procès pour concurrence déloyale sera instruit, ce qui serait dramatique pour son personnel et pour le public.

Le contrat de gestion de 2019 (valable durant les cinq ans qui suivront) arrive dans sa phase finale de négociation.
Sans doute pas par hasard, les souhaits de la direction de la RTBF viennent de fuiter, le 16 mars 2018.

C’est à lire dans les moindres des détails. Car tout ce qui ne sera pas écrit strictement dans le contrat ne devra pas être concrétisé. Tout se joue au mot près, et donc les imprécisions feront le bonheur de ceux qui voudraient réduire l’esprit service public à peau de chagrin afin de développer une rentabilité maximale du court terme.

Tout porte à croire que cette direction ertébéenne veut le beurre et l’argent du beurre: développer au maximum les aides de l’état, maximaliser les ressources financières via internet et marginaliser le plus possible ses missions spécifiques. Ce jeu est particulièrement dangereux.

Ici, nous ne défendons aucunement le contenu des programmes de RTL mais nous considérons que les très nombreux auditeurs et téléspectateurs belges qui les suivent ont le droit de le faire. Il ne faudrait pas qu’une attitude de concurrence déloyale de la RTBF menace ce souhait, cette volonté d’une partie de la population.

Voici comment RTL a réagi à la façon dont la direction de la RTBF voit l’écriture de son nouveau contact de gestion.

Que s’est-il passé ensuite au conseil d’administration de la RTBF?
Lisez entre les lignes… Constatez que dans ce CA pléthorique (15 membres), il n’y a aucun vote possible pour ECOLO, DéFI ou le PTB. Seuls sont aux manettes de nos médias de service public le PS, le CDH et le MR. Si c’est légal, est-ce démocratique?
http://www.lalibre.be/culture/medias-tele/contrat-de-gestion-de-la-rtbf-les-administrateurs-mr-opposes-aux-compensations-financieres-5aac2426cd702f0c1a5a80c0

Et si c'était l'arme nucléaire pour mettre fin à l'aveuglement du PS et du CDH qui ne veulent pas supprimer la publicité à la RTBF? Le 24 mars 2018, à nouveau dans L’Echo, Philippe Delusinne, le patron de RTL, a expliqué comment le projet du futur contrat de gestion tel qu’il est actuellement voulu par la direction de la RTBF menace le pluralisme des médias.
Il se serait donc pas impossible que cette «concurrence économique déloyale» puisse devenir au niveau européen une condamnation à l'extinction même de la RTBF:
https://www.lecho.be/journal/ipaper/20180324#paper/echo/20

Nous pensons qu’il est temps de supprimer toute la publicité et tout le sponsoring à la RTBF et de trouver des financements alternatifs qui lui permettent de mener à bien avec panache ses missions.
L’argument du PS était de dire que la Fédération Wallonie-Bruxelles n’a pas les moyens de développer la dotation dans ce cas-là. On voit aujourd’hui, si le projet de la direction de la RTBF se concrétise, qu’elle a justement ces moyens-là, ceux d’augmenter la dotation, mais en conservant la publicité. Si on discutait enfin sérieusement?

D’autant plus que nos hommes politiques de la majorité opposées au retrait de la pub ertébéenne viennent de recevoir un nouveau camouflet. Leur argument massue consistait à affirmer qu’il faudrait trouver davantage de financements en compensation, pour le maintien d’un service public efficace, et que jamais le public n’accepterait de mettre la main au porte-monnaie.
En Suisse, le 4 mars 2018, la votation «No billag» a montré que la population est bien moins mesquine que ce qu’ils imaginent. En effet, elle avait le choix entre garder son «impôt» pour que le service public de l’audiovisuel poursuive l’exercice des ses missions ou le supprimer intégralement. 71,6% des votants ont opté pour le maintien alors que la redevance y est la plus élevée d’Europe: l’équivalent de 392 euros par an:
http://www.rts.ch/info/suisse/9369452-de-premieres-petites-communes-alemaniques-rejettent-linitiative-no-billag.html
Chez nous, ce serait l’équivalent du quart du prix d’une tasse de café par mois dans un bistrot pas cher. Cela vous étonne? L’explication est ici au point 9.

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Pour rappel, la RTBF a refusé de programmer sur ce thème en direct au prime-time un débat public contradictoire en télé.
On n’a pas vu non plus, ni le ministre des médias (PS) , ni le président du CA de la RTBF (CDH), ni l’administrateur général de la RTBF (PS) accepter de débattre en public. Le sujet semble tabou.

À l’agenda, une réflexion fort différente, sans doute complémentaire. À découvrir donc: une journée de séminaire «Une autre télévision est possible», mardi 17 avril de 10H00 à 16H30 par Zin TV au Pianofabriek à 1060 Bruxelles. Tous les détails ici.

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