Street art et message.

Street/Art

Par | Penseur libre |
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Les œuvres de street art portent-elles un message ? Une manière de reformuler la question serait d’interroger le processus de création d’un street artiste : le message existe-t-il avant l’exécution d’une œuvre. La réalisation est-elle une traduction graphique d’un message qui existe déjà ? L’œuvre est-elle un médium de communication ?

Quel a été le point de départ de cette réflexion sur le sens des œuvres ?

A vrai dire, je crois m’être interrogé depuis toujours sur le sens des œuvres, toutes les œuvres : les fresques et les murs du street art mais également les tableaux accrochés aux cimaises des galeries et dans les musées.

C’est récemment que j’ai eu l’occasion de voir des reproductions d’œuvres que je ne parvenais pas à classer dans une catégorie. En fait, à première analyse, elles me semblaient ne pas avoir de thème, de sujet et, de là, de sens et de signification.

Les fresques représentaient des scènes de la vie quotidienne fort banales : des voitures garées devant une maison, un homme épluchant des oignons, une vieille femme dont on ne voit que les mains en train de broder, une vieille BX Citröen, une jeune femme endormie dans un train etc.

Ces œuvres, dans un premier temps, ne présentaient à mes yeux aucun intérêt, ni du point de vue de la forme ni du point de vue du fond. Dans un deuxième temps, je me suis souvenu d’un article que j’avais consacré à l’œuvre de Mohamed L’Ghacham[1] (je vous y renvoie). Les démarches artistiques étaient semblables et mon regard sur ces œuvres a changé. Ces œuvres apparemment banales, ont alimenté ma réflexion sur le sens des œuvres en général.

Manifestement des artistes ont l’objectif à travers leurs œuvres peintes de transmette aux regardeurs des messages. D’aucuns dénonceront les violences policières, l’inaction des gouvernements dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’agression russe en Ukraine et inviteront à la révolution, à l’émeute, à l’amour du prochain que sais-je encore.

Ces artistes souvent de grand talent sont, en fait, très minoritaires. Dans ce cas de figure, les œuvres ont une authentique fonction de communication.

Reste l’immense majorité des autres œuvres !

Mes contacts avec de nombreux artistes ont mis au jour une autre approche de l’acte créatif.

Le matériau de départ de nombre de ces street artistes n’est pas un objectif de communication, un message, mais des images qu’ils ont « dans la tête ». C’est comme si chacun d’entre eux avait en mémoire un thésaurus d’images. Des images mentales qui s’imposent à l’artiste pour d’obscures raisons. Pour d’autres raisons secrètes, ces images sont l’objet d’un travail de recomposition et génèrent d’autres images qui finissent par s’imposer à la conscience de l’artiste. Fruit d’une alchimie complexe, une image est finalement « reproduite » par l’artiste.

Ce sont des images qui sont la source première de la création d’images par les artistes et non des idées ou des concepts. L’œuvre qui est une image n’est pas destinée à transmettre un message aux regardeurs. Elle témoigne de son créateur, de son imaginaire, de ses questionnements, de ses souffrances, de ses joies, de ses angoisses.

Quant à la création du sens, c’est une tout autre affaire. Le sens est construit par le regardeur. La signification qu’il élabore est un discours sur l’œuvre qui résulte de la culture du regardeur et aussi de ses expériences personnelles et de son imaginaire. Bref, le processus de création du sens est également une alchimie secrète, une alchimie centrée sur le regardeur.

Pour autant, je résiste à l’idée qu’il existe autant de sens que de regardeurs. Les œuvres admettent une polysémie qui reste cependant limitée à l’analyse objective de l’œuvre, aux conditions de sa production et à notre connaissance de l’artiste.

Le but de l’analyse critique des œuvres est de mettre en évidence des éléments objectifs proposant des clés de compréhension. Un discours certes mais une glose résultant d’une examen attentif des œuvres. Le sens donné à une œuvre par un regardeur « parle » de l’œuvre, de son créateur et aussi, surtout, du regardeur.

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[1] https://www.entreleslignes.be/le-cercle/richard-tassart/mohamed-l%E2%80%...

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