Michel Carrade et la lumière

Une édition originale

Par | Penseur libre |
le

© Michel Carrade

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La galerie Didier Devillez d’Ixelles apprécie les rendez-vous réguliers avec ses peintres dits « de la couleur », et c’est tout naturellement qu’est présenté aujourd’hui, en guise d’hommage, un de ses plus fameux coloristes, le français Michel Carrade.
Décédé en septembre dernier à l’âge de 98 ans, Carrade a traversé les grands mouvements de la peinture en France, comme l’Ecole de Paris ou l’abstraction lyrique, avant d’entamer cette recherche intensive sur les enjeux de la couleur dès la fin des années 1960.
Selon un souhait récent du peintre, le vernissage s’est déroulé à la lumière des seules bougies, installant une atmosphère à la fois étrange et inhabituelle pour une peinture que l’on reconnaît à l’aune de l’énergie particulière de ses chromatismes.
Et cela fonctionne. La puissance des intensités traverse la douce pénombre et survit, le chant de la couleur n’est pas moins fort, comme si notre vision même décidait de lire mieux et d’apprécier pour chaque œuvre une manière de version inédite.
L’exposition montre quelques grands formats magistraux et nous permet de plonger dans le répertoire d’une importante série de gouaches, qui souvent font écho à de grandes sœurs peintes sur toile.
Jean Guiraud avait très tôt nommé ces peintures « Nappes d’espace » et l’on ne peut que goûter encore aujourd’hui cette évidence. Dès qu’il y a couleur, l’espace est mis en porte-à- faux et dès qu’un grand peintre s’en mêle, il y a vertige, vibration et clameur. Alors celui qui regarde s’identifie à cette vibration qui le traverse et le révèle en temps que corps.
A chaque composition, tandis que la lumière irradie, le mystère s’épaissit.
Il ne s’agit pas de strates mais plutôt de rayonnements successifs dont la tension, une fois effective, nous emporte. A regarder la multitude de ces bandes de couleurs, qui se glissent, s’interrompent ou se succèdent (joie des écritures picturales), on découvre une loi physiologique, comme dirait Goethe, par laquelle on se rappelle que l’homme est un être debout, un être qui marche et par laquelle on peut dire sans se tromper que dans une peinture de Carrade résonne encore Giacometti.
Les constituants de la peinture, supports, pigments, liquidité nous rappellent toujours à l’éternelle jeunesse du peintre qui, enjambant les décennies d’un XXème siècle de peinture moderne, s’est émerveillé jusqu’au bout des bonheurs de l’abstraction, de ses vitalités et d’un royaume infini, celui de la couleur.

Boris Almayer


Galerie Didier Devillez, jusqu’au 26 février 2022.
Rue Emmanuel Van Driessche, 53 à 1050 Bruxelles.

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