Lifting à la Bourse de Commerce

Pérégrinations

Par | Journaliste |
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Untitled, 2000. David Hammon. Cristal, laiton, papier de verre, ampoules, matériel d’éclairage, quincaillerie ©L.VdW

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En art, le terme « Ouverture » s’applique le plus souvent à une musique symphonique qui précède et annonce les thèmes, les atmosphères, les personnages qui seront développés dans un opéra donné. C’est aussi « Ouverture » que le collectionneur François Pinault a choisi comme titre pour sa première saison picturale à la Bourse de Commerce à Paris, laissant présager de l’orientation multiple des artistes invités dans ce nouveau temple culturel de la capitale française qui en compte déjà beaucoup.

C’est peu dire que cette Bourse de Commerce - Pinault Collection et revivifiée par l’architecte Tadao Ando en jette. Ce bâtiment cumule cinq siècles d’architecture, du 16e siècle à nos jours et donc fait partie de l’histoire de Paris. Transformé en musée (privé) d’art contemporain, il s’organise autour d’un vaste cylindre de béton qui s’emboîte dans l’édifice préexistant, ce qui est efficace, qui un côté grandiose, mais, hormis une magnifique fresque qui orne la coupole, n’est pas spécialement glamour.

Quant au contenu du musée, les oeuvres d’après les années 60  viennent d’artistes aux styles généralement très marqués et fort différenciés les uns par rapport aux autres. Je veux ici oublier les productions qui m’ont, pour diverses raisons, agacée sinon ennuyée, comme, par exemple la présentation du plasticien (?) Bertrand Lavier, de cette pétrolette accidentée suspendue ou d’un aspirateur Hoover, comme si le fait de placer ces objets en vitrine leur apportait un intérêt particulier. Je préfère évoquer quelques moments de séduction suscités par l’originalité de la démarche ou de réalisation plastique.   

Occupant le centre de la rotonde, Urs Fischer nous propose une installation constituée de « sculptures » en cire pigmentaire et au rendu réaliste. Outre l’incongru de quelques chaises (en cire) en partie fondues,  comme ces chaises de bureau, ou d’autres d’une facture particulière et venant du Ghana, ou d’Éthiopie ou du Mali,  l’attention se porte immanquablement sur une pièce centrale, placée comme au centre d’une piazza.

Il s’agit d’une copie de  L’Enlèvement des Sabines  (1579-1582) de Giambologna, chef-d’oeuvre de la statuaire maniériste. Au début de chaque nouvelle exposition et selon un rituel défini par Urs Fischer, les mèches fichées dans différentes sculptures consument l’oeuvre, petit à petit. Flammèches qui à la fois détruisent l’oeuvre tout en la recréant. Ce qui était formel devient informe et  l’exposition se termine quand il ne reste quasi rien de l’oeuvre.

Dans la galerie 2 on peut découvrir le travail de David Hammons lequel organise des assemblages d’objets récupérés, comme des chambres à air, des capsules de bouteilles, des franges de serpillères, des ampoules, des rebuts de quincaillerie, etc., qui renaissent en compositions singulières, ironiques et étonnantes au sens propre. Cet ensemble significatif de l’artiste new-yorkais est montré pour la première fois en Europe.

Puis le public va à la rencontre d’oeuvres sur support plus traditionnel, soit des acryliques ou des huiles sur toile. Chacun s’y attardera ou non, car les espaces sont vastes et nombreux et on est facilement proche de l’indigestion.   

La Galerie 3 de la Bourse de Commerce réunit six photographes dont les travaux enjambent les années 70-80. Les oeuvres de Michel Journiac, Cindy Sherman et Martha Wilson mettent en jeu des stéréotypes de nos sociétés contemporaines en imitant à s’y méprendre des grands noms de la photographie, comme August Sanders ou Russel Lee. De leur côté, Louise Lawler, Sherrie Levine et Richard Prince, plus marqués « années 80 », viennent avec des productions davantage tournées vers l’activisme politique et la remise en cause de ce qui est ou non une oeuvre d’art. Une des particularités de cette galerie, est qu’il s’agit de séries de photos, très majoritairement noir et blanc avec une vingtaine (ou plus) d’images par artiste.

On l’aura compris, cette Bourse du Commerce ne se visite pas au galop et il ne faut pas imaginer que l’on puisse en une fois faire le tour des collections présentées. C’est à essayer, à l’occasion. Il y aura toujours des choses à y découvrir, et, au minimum, l’architecture de cet endroit hors du commun, proche du quartier des Halles.

Bourse de Commerce - Pinault Collection : 2, rue de Viarmes, 75001 Paris. Fermé le mardi.

Voir : https://www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce

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Vue vers la coupole de la Bourse de Commerce. Les pigeons sont factices ! ©L.VdW

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