Légal donc normal. Normal donc moral

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Samedi 11 février

 On connaissait le lit vertical, une histoire à dormir debout qui amusait les conversations de fin de banquets. La forêt verticale est un concept beaucoup plus sérieux. On doit cette idée à l’architecte italien Stefano Boeri. Le principe consiste à bâtir des immeubles recouverts d’arbres et de verdure. En 2014, il reçut le prestigieux prix international en design architectural International Highrise Award pour « le plus et le plus innovant gratte-ciel du monde », deux tours situées à Milan, hautes de 80 et 112 mètres, dont les façades étaient recouvertes de végétations équivalant à un hectare de forêt. Voici donc une réalisation écologique de belle et grande envergure. La Chine, pays le plus pollueur du monde, s’est montrée intéressée par les inventions de Boeri. La ville de Nanjing (Nankin – 8 millions d’habitants) lui a commandé la construction de 2 tours, de 200 et de 108 mètres. Boeri les habillera de 600 arbres, 500 arbustes de 23 espèces différentes. D’autres villes chinoises devraient également emboîter le pas. Ce serait dommage qu’une pareille initiative révolutionnaire venant d’Italie soit ignorée en Europe. Qu’en pense Anne Hidalgo, qui se passionne pour le Grand Paris ?

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  M. & Mme Adelman, le premier film de Nicolas Bedos, ne sortira en salles que le 8 mars. Mais comme il fut choisi pour ouvrir la soirée de la 33e édition du Festival du Film d’Amour à Mons, on a déjà pu découvrir la pertinence des scènes à la fois drôles et tragiques, simples ou extravagantes, reflets d’une vie d’écrivains amoureux de la littérature et de la philosophie, dynamiques, aux comportements explosifs jusque dans l’acte sexuel. Des scènes qui se succèdent à un rythme effréné, conférant à l’histoire des va-et-vient délicieux et des spleens cocasses. Le couple Nicolas Bedos et Doria Tillier joue à anticiper leur propre avenir jusqu’à leur fin de vie. Ceux qui trouveront ce film ordinaire auront tort : Doria et Nicolas viennent d’inventer une nouvelle forme de romantisme.

Dimanche 5 février

 Rugby, Tournoi des VI Nations. La France renoue enfin avec la victoire. Elle gagne contre l’Écosse par 22 à 16. Dans les tribunes du Stade de France, François Hollande est radieux…

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 Pourquoi des centaines de baleines sont-elles allées s’échouer sur la plage de Farewell Spit en Nouvelle-Zélande ? L’homme a inventé les ordinateurs, il se prépare à débarquer sur Mars, mais il ne sait toujours pas pourquoi des baleines se suicident en groupe épisodiquement. Il croit savoir qu’elles communiquent sans savoir ce qu’elles se disent. La planète est devenue un village mais les champs à découvrir sont encore multiples.

Lundi 13 février

 Le représentant du peuple qui, grâce à des mandats connexes, empoche mensuellement des salaires mirobolants, a la conscience tranquille tant que son enrichissement n’est pas illégal. Il fait donc fi complètement de l’aspect moral. Peut lui chaut que ce ne soit pas moral pourvu que ce soit légal. Légal donc normal. Normal donc moral. Comme il est facile de manipuler la logique pour justifier ses propres turpitudes…

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 Tandis que depuis une décade au moins, les annonces commerciales exploitent à fond l’arrivée de la Saint-Valentin, Jacques De Decker, secrétaire perpétuel de l’Académie de Langue et de Littérature de Belgique, a tout au long de la semaine dernière proposé de nouveau sa pièce savoureuse, Le vaudeville et le veau des champs, ou Le magnolia, une charmante histoire de dédoublement de la personnalité en amour, qui démontre avec finesse et perspicacité que si la double vie a ses charmes dans ses mystères, elle est parfois stressante et fatigante. Que tous les Valentin et toutes les Valentine se le disent. La dernière représentation eut lieu hier soir. La salle, une fois de plus, était comble et elle a bien ri, parfois sous cape pour certains spectateurs. C’était aussi l’occasion de saluer le cher Leonil Mc Cornick, directeur-fondateur de ce merveilleux Théâtre de la Valette perdu à Ittre au milieu de la campagne, le Bussang du Brabant wallon, et que l’on aime toujours retrouver souriant.

Mardi 14 février

 C’est paraît-il quasiment désormais une certitude : les Russes sont parvenus à s’immiscer dans la campagne étatsunienne en faveur de Donald Trump. La phobie s’empare désormais de la France. Le Kremlin a ses préférences : Fillon, Mélenchon, Le Pen ont ses faveurs. Un candidat est rejeté : Emmanuel Macron. Il n’en faut pas plus pour que l’équipe du jeune fougueux panique à l’idée que ses soupçons d’ingérence russe dans la campagne électorale se confirment et croissent en efficacité. Ce qui est sûr, c’est que l’agence Spoutnik installée à Bruxelles suit une ligne éditoriale visant à déstabiliser l’Union européenne.

Mercredi 15 février

 S’il n’y avait que les politiques pour sombrer dans les excès causés par les avidités financières !… Simplement, eux, devraient être plus inflexibles que quiconque. La fin (momentanée ?) des idéologies et la misère des religions par leur radicalisation rendent les sociétés démocratiques poreuses. Elles se laissent pénétrer par les vices de l’argent jusqu’à la nausée de l’incivisme normal. Retour à Giono et à sa Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix (1938)  : « Dans les temps modernes, l’humble sagesse est la pensée la plus révolutionnaire du monde. »

                                                           *

 Puisque selon son habitude, Le Canard enchaîné annonce quelques belles et bonnes scories déroutantes vis-à-vis de personnalités politiques, la tendance, au nom de la transparence, est de lui demander de révéler ses sources. Autant l’inviter au suicide. Alors, le palmipède qui pratique le même journalisme depuis plus de cent ans, donne aujourd’hui une leçon simple et toujours aussi juste, par-delà les décennies et surtout quel que soit la technique utilisée : « Une information n’est pas convenable ou dégoûtante ; elle est vraie ou fausse. »

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 Il ne faut pas visiter l’exposition 21, rue La Boétie qui se tient encore jusqu’au 19 février au Musée de la Boverie à Liège dans l’attente de découvrir des œuvres majeures de Georges Braque, Marie Laurencin, Fernand Léger, Henri Matisse et Pablo Picasso, les cinq peintres principaux que Paul Rosenberg a promus. Cette remarquable exposition est avant tout consacrée à la vie du grand-père d’Anne Sinclair que l’avènement du nazisme et la Seconde Guerre mondiale ont rendue chaotique, ballotée d’un côté à l’autre de l’Atlantique. Quelques anecdotes émaillent aussi, presque sous-jacentes, l’épopée tragique : le passage des peintres de la galerie de Kahnweiler à celle de Léonce, le frère, pour terminer chez Paul, plus représentatif ; le choix de Picasso d’habiter un temps dans l’immeuble voisin du 21, rue La Boétie ; les pérégrinations des tableaux volés par les nazis dont certains n’ont toujours pas été retrouvés ; la découverte d’Alexandre, le fils de Paul, engagé dans la 2e Division blindée de Leclerc, reconnaissant des tableaux appartenant à son père au cours de la libération de Paris ; le portrait d’Anne Sinclair à quatre ans par Marie Laurencin, etc. Le cadre de La Boverie - auquel on accède désormais par une engageante passerelle au-dessus de la Meuse en venant de la superbe gare des Guillemins rénovée par l’architecte espagnol Santiago Calatarava Valls - est tout à fait accueillant pour enclore le musée, lui aussi rénové. Il importera aux autorités de veiller à ce que ce haut-lieu soit digne de ce que l’on attend de lui : quelques attentions de confort muséal comme la formation du personnel de la cafétéria ou l’entretien des toilettes pourraient nuire stupidement à la qualité des manifestations.

 

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