« Il existe des burkas dans de nombreux esprits occidentaux »

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Samedi 1er octobre

 Á Jérusalem, une réunion triangulaire avait été prévue entre Barack Obama, Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahou après les obsèques de Shimon Pérès. Elle a été annulée. Comme des milliers de citoyens palestiniens, parfois des enfants, Pérès est mort pour rien.

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 La Deutsche Bank semble connaître de graves difficultés au point que l’ombre de Lehman Brothers 2008 plane sur Berlin. Pour l’heure, Angela Merkel reste intraitable, affirmant que « pas un euro d’argent public » sera dépensé pour venir en aide à cet établissement qui d’une part, connaît des échecs de spéculation, et qui, de l’autre, enregistre de plus en plus de créances douteuses. L’Europe n’avait vraiment pas besoin de cette fièvre soudaine pour être malade…

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 Dans Marianne, Jean-François Kahn débat en compagnie d’Emmanuel Macron. Il est sûrement intéressé par ce trentenaire qui veut, comme on dit, faire bouger les lignes. Cet ancien collaborateur de François Hollande que le président avait placé à la tête de l’économie française commence d’emblée par s’affirmer « de gauche » mais il ne cesse ensuite de confier sa volonté de réaliser le « ni gauche – ni droite »… J.-F.K. attire son attention, avec exemples à l’appui, sur le fait que le milieu qui pourrait en découler n’est pas la solution. L’apôtre du « centrisme révolutionnaire » donne, sans le vouloir, une leçon d’analyse politique à son jeune interlocuteur que la presse parisienne et les sondages voient comme candidat à l’élection présidentielle, ce qui est en vérité plus qu’incertain. Émerge aussi un questionnement inquiétant : plus les questions de Kahn sont précises, plus les réponses de Macron sont évasives. Si celui-ci veut vraiment s’engager en politique, il devrait prévoir quelques autres séquences d’entretien avec Jean-François Kahn, sans enregistrement et, bien entendu, sans projet de publication.

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 Autrefois, pour connaître l’état d’esprit des électeurs de droite, il importait de lire dans Le Figaro le Courrier des lecteurs orchestré par Max Clos. (C’est peut-être là qu’il faut dénicher l’amorce de la percée du Front national…) Depuis que le Clos s’est ouvert aux anges (12 ans déjà !...) c’est l’enquête quotidienne du journal qui vaut la peine, et pas seulement par ses réponses. Les questions posées aux lecteurs sont parfois un tantinet excitantes. Ainsi, hier, leur quotidien favori leur demandait : « Pensez-vous que les impôts ont augmenté depuis 2012 ? ». Ce qui est étonnant, ce n’est pas que 92 % des personnes ont répondu « oui », c’est plutôt que 8 % ont répondu « non » ! (42.000 votants). Même remarque pour la question d’aujourd’hui : « Êtes-vous inquiet pour la dette extérieure de la France ? » 89 % de « oui », 11 % de « non » (sur les 15.000 premiers votants)

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 On sait que le capitalisme possède des ressources infinies pour réaliser des profits dans le plus grand mépris de la morale. Un nouveau palier vient d’être franchi à Los Angeles où les cendres de l’écrivain Truman Capote ont été mises aux enchères. Elles furent achetées par un quidam pour la modique somme de 43.750 dollars. Dans la même séance, les vêtements que Capote portait le jour de sa mort furent acquis pour 6400 dollars. Dommage qu’il s’était fait incinérer ! La vente de son cadavre par appartements aurait créé un événement plus croustillant !

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 « L’art et la vérité peuvent partager le même lit sans que ça les empêche d’être incompatibles. »

            (Truman Capote. Les Chiens aboient, 1973)

Dimanche 2 octobre

 La compétition entre Clinton et Trump provoque, en Europe, des réflexions sur la démocratie, ses vertus et ses failles. Jacques Julliard, pas toujours à l’aise dans les raccourcis, vient de trouver une formule qui mérite développement et qui pourrait, en tout cas, se vérifier d’ici l’élection du 8 novembre : « Clinton, c’est la démocratie sans le peuple. Trump, c’est le peuple sans la démocratie. » Avant le 8 novembre, certes… Mais si l’équation se vérifiait aussi pendant l’exercice du mandat de l’une ou de l’autre, ce serait tout le fonctionnement d’un État basé sur les trois piliers du pouvoir qui pourrait être remis en question. Après tout, la démocratie reposant sur le suffrage universel est, au regard de l’Histoire, une organisation de la société très récente.

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 Si, comme il fallait s’y attendre, le 50e anniversaire de la mort d’André Breton (28 septembre) fut dans l’ensemble oublié, celui de la parution du Petit Livre rouge de Mao ne l’est point, en particulier pour Libération qui lui consacre sa une et ses 5 premières pages, profitant de donner la parole à Qiu Xialong, auteur d’un polar à base historique, Il était une fois l’inspecteur Chen (éd. Lina Levi) dont l’analyse sombre paraît s’identifier aux tendances occidentales récentes : « Je suis de plus en plus pessimiste sur l’évolution de la Chine. Des intellectuels ont cru que le changement économique entraînerait un changement politique. Il n’en a rien été, les gens sont juste devenus plus cyniques, obsédés par l’argent. »

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 « La politique est une guerre sans effusion de sang, et la guerre est un politique avec effusion de sang. »

            (Mao Zedong. Discours. De la guerre prolongée, mai 1938)

 

 « Rabattons notre suffisance, critiquons sans relâche nos propres défauts, comme chaque jour nous lavons notre figure pour rester propres, et balayons pour enlever la poussière.

            (Mao Zedong. Discours. Organisez-vous !, 29 novembre 1943)

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Coup dur pour Irina Bokova, l’excellente directrice générale de l’UNESCO : une autre Bulgare, Kristalina Georgieva, vice-présidente de la Commission européenne, se porte candidate au poste de secrétaire général de l’ONU. Ça sent le règlement de comptes à plein nez. L’argument de Georgieva ? Il est temps qu’une femme dirige l’ONU. Difficile d’être plus cynique… Á moins que la stupidité…

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 Grâce à Pierre Bergé qui l’avait rachetée, la maison d’Émile Zola rouvre à Médan (Yvelines) après travaux de restauration. L’occasion pour François Hollande, dans son discours inaugural, de vanter les vertus de la République en évoquant les valeurs de justice et de droiture pour lesquelles Zola s’était battu au péril de sa vie. Un musée Dreyfus sera installé à Médan, lieu de mémoire littéraire et, inévitablement, politique.

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 « Surtout, tenez-moi au courant pour la maison de Zola !... »

(Derniers mots que Pierre Bergé aura entendus de François Mitterrand, à Latche, le lundi 1er janvier 1996)

Lundi 3 octobre

 Hier, à l’initiative du Premier ministre Viktor Orbán, un référendum était organisé en Hongrie. La question soumise au peuple était : « Voulez-vous que l’Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non hongrois en Hongrie, sans l’approbation du Parlement hongrois ? » En septembre 2015, l’Union européenne avait concocté un plan de répartition des réfugiés. Ce plan attribuait 1400 migrants à la Hongrie. Le « non » l’emporta mais le résultat fut invalidé, la participation au scrutin ayant été trop faible. Reflet d’un racisme qui s’exprime plus aisément dans les sondages que dans les urnes et dont le ferment est une forme de lâcheté bien connue. On pense à Music Box, l’excellent film de Costa-Gavras.

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 Le portrait que FR3 consacre à Alain Juppé est d’autant plus réussi qu’il a été réalisé par Franz-Olivier Giesbert. Si tous les principaux candidats à l’élection présidentielle sont croqués par ce diable de journaliste ô combien talentueux, on peut s’attendre à quelques bons moments de convaincante actualité politique. Rien à voir avec les soubresauts et les tentatives balourdes et inconvenantes de déstabilisation qu’offre le spectacle de l’émission de Ruquier le samedi soir.

 

 Par une conversation spontanée avec des journalistes dans l’avion qui le ramène à Rome, le pape dénonce à tort l’inscription de la théorie du genre dans les manuels scolaires français. La ministre de l’Éducation met respectueusement les choses au point dès la matinale de France Inter, constatant à regret qu’un conseiller intégriste ait pu convaincre le pape d’une information mensongère. Tous les organes de presse vérifient la fausseté du propos, preuves à l’appui. Même le journal catholique La Croix est embêté. N’empêche. Il est permis de se demander comment une personnalité comme le chef de l’Église catholique peut se fourvoyer dans une affirmation erronée autour d’un sujet délicat.

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 « L’Homme est-il une erreur de Dieu ou Dieu une erreur de l’Homme ? »

(Friedrich Nietzsche. Humain trop humain, Œuvres complètes, I, éd. Robert Laffont, 1993)

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Chaque fois que L’Obs paraît deux ou trois semaines de suite sans un éditorial de Jean Daniel, on est inquiet, vu le grand âge de son fondateur. Le Monde d’aujourd’hui nous rassure. Une autre tâche l’absorbait : l’encart publicitaire de la troisième page annonce un livre, Mitterrand l’insaisissable (éd. du Seuil). Il eut manqué une référence à la bibliographie de Jean Daniel s’il n’avait pas, lui aussi, publié « son » Mitterrand. Plusieurs de ses amis avaient déjà pensé à une anthologie de tout ce que Daniel a pu écrire sur l’homme du 10 mai 1981 tout au long de cinq décennies de « compagnonnage fait d’amitié mais aussi de silences », comme l’indique si justement le pavé promotionnel. Mais le livre existe et c’est mieux ainsi. La table de chevet, impatiente, est prête à l’accueillir.

Mardi 4 octobre

 Il a beau se livrer à des explications aux méandres douteux, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán vient de subir un sérieux revers avec son référendum inutile. Ah ! Si les socialistes et les libéraux de son pays se trouvaient assez de points communs pour faire alliance, le camp des conservateurs serait écarté du pouvoir et la Hongrie pourrait se construire une nouvelle modernité ! … Ce constat est du reste valable pour l’ensemble de l’Union européenne, mais heureusement, à de degrés divers.

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 Il est réconfortant de voir ces milliers de femmes polonaises descendre dans la rue pour combattre la loi anti-avortement que le gouvernement très conservateur, soutenu par l’Église catholique, veut instaurer. La religion islamique n’est pas la seule à ravaler le statut de la femme ; ne l’oublions pas ! Il existe des burkas dans de nombreux esprits occidentaux…

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« Les femmes du monde arabe savent bien que leur combat pour l’émancipation implique à la fois la fin du pouvoir patriarcal, dont la plupart des hommes se font les complices, et l’éradication d’une religion qui en justifie la prépondérance. »

            (Raoul Vaneigem. De l’inhumanité de la religion, éd. Denoël, 2000)

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 Après un passage à vide bien compréhensible consécutif à la tragédie de janvier 2015, Charlie-Hebdo a recouvré un rythme de croisière à la hauteur de sa réputation, ce qui devrait lui permettre de réaliser des pages mémorables, à présent que l’on entre doucement mais sûrement dans la compétition en vue de l’élection présidentielle du printemps prochain. Et tant pis pour celles et ceux qui espéraient sa disparition. Les dessins prennent plus de place encore qu’autrefois ; personne ne s’en plaindra, puisque Bernard Maris fut emporté dans la rafale des djihadistes. La semaine a été fertile pour les crayons vinaigrés. L’allusion à « nos ancêtres les Gaulois » de Nicolas Sarkozy et l’inquiétante hospitalisation de Jacques Chirac furent deux sujets de prédilection. Le journal en a profité pour reproduire toutes les « unes » qui furent consacrées à Bernadette et à Jacques Chirac. Il y en eut bien davantage que celles qui se moquaient de Mahomet, et pas des tendres…

Mercredi 5 octobre

 En février 2015, lors de la 87e cérémonie des Oscars, tout le monde s’attendait à ce que Timbuktu, l’émouvant drame d’Abderrahamane Sissako, reçoive le prix du Meilleur film étranger. Le trophée revint à un autre drame, Ida, de Pawel Pawlikowcki. Cette jeune fille élevée dans un couvent qui apprend qu’elle est juive et que ses parents ont été assassinés par des paysans nourris d’un antisémitisme actif de l’Église polonaise, cet enfant de Marie subissant le choc de la vie ordinaire est pathétique à plus d’un titre et le film qui narre son histoire et qu’Arte diffusait hier soir est en effet un chef-d’œuvre. Il dégage une austérité raffinée, conduite à l’extrême, que des plans étranges et même glauques, superbes dans leur tristesse populacière, sont encore accentués grâce au noir et blanc. Lors de son couronnement, le film fut contesté de toutes parts dans son pays, autant par la droite que par la gauche, par l’Église forcément, mais aussi par les gestionnaires des décombres du Parti communiste. C’est la preuve que l’œuvre est réussie. Quand une fiction dérange au point que les critiques la considèrent comme un documentaire historique, c’est qu’elle détient le mystère merveilleux qui démontre qu’une seule vérité est fausse et que seules plusieurs vérités sont les témoins de la marche du monde.

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 Une autre actualité de femmes polonaises. Grâce à leurs nombreuses et denses manifestations, elles ont fait reculer le parlement ultraconservateur qui a retiré sa loi révisant celle sur l’avortement. La femme est l’avenir de l’Homme, et pas seulement chez les musulmans du Moyen-Orient,  chez les catholiques d’Europe aussi.

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 « L’extermination légale des êtres humains qui ont été conçus mais ne sont pas encore nés est toujours en cours. Et cette fois, nous parlons d’une extermination qui a été autorisée par rien moins que des Parlements démocratiquement élus où l’on entend normalement des appels au progrès de la société et de l’humanité. »

(Le pape Jean-Paul II, comparant l’avortement à l’Holocauste, in Mémoire et identité, éd. Flammarion, 2005)

Jeudi 6 octobre

 Alep disparaît petit à petit de la carte, sous les bombardements incessants. Des milliers de réfugiés continuent de mourir dans la Méditerranée. On sait déjà que ces deux dossiers seront prioritaires sur la table du nouveau secrétaire général de l’ONU, dès qu’il prendra ses fonctions le 1er janvier prochain car d’ici là, peu de chances subsistent d’un quelconque accord de cessez-le-feu respecté, suivi, entériné plutôt qu’enterré. António Guterres vient de passer dix années à la tête du Haut Conseil des Nations-Unies pour les Réfugiés. C’est un autre patron de l’ONU, Kofi Annan, qui l’avait désigné à ce poste. Il est donc idéalement placé pour traiter de la question syrienne et de ses drames humains. Cela ne veut pas dire qu’il va tout régler là-bas, bien entendu.

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 « C’est un rassembleur, un excellent connaisseur des dossiers diplomatiques et du système onusien. Un vrai ami de la France et un francophone. »

(François Delattre, représentant français à l’ONU, à propos d’António Guterres, in Le Monde, 6 octobre 2016)

Vendredi 7 octobre

 La Syrie, encore. Quoi qu’il arrive, il est désormais certain que Bachar al-Assad ne pourra plus gouverner ce pays. On dit que Poutine en est désormais convaincu et qu’il cherche la solution pour l’écarter sans perdre la face. Eh oui ! Parce qu’il sent bien que les horreurs commises là-bas commencent à lui être totalement imputées… Bachar n’est plus rien donc il n’est plus le tueur. Le massacreur, c’est Poutine !

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 Le président colombien Juan Manuel Santos est le lauréat du prix Nobel de la Paix cette année. Il a réussi à trouver des accords réputés impossibles avec les FARC, mettant fin à des querelles armées entre l’extrême gauche et l’extrême droite qui empoisonnaient son pays. Grâce au président Santos, le peuple colombien peut se construire un avenir. Pour autant, il ne faudrait pas oublier le rôle primordial de Raul Castro dans le processus.

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 Les élus du parti d’extrême droite britannique (UKIP) auraient bien fait de perdre le référendum sur le Brexit. Depuis leur victoire, ils ne cessent de se chamailler. Deux d’entre eux en sont venus aux mains dans les couloirs du Parlement européen à Bruxelles ; il y en a un dans le coma. Avec ces gens-là, on atteint très vite le degré zéro de la politique. Il n’y a qu’à voir et à écouter Marine Le Pen pour comprendre. Mais comprendre quoi ? La loi, c’est le suffrage universel…

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 On n’entend pas assez souvent de voix comme celle de Raphaël Glucksmann, le fils de feu André, pour secouer les idées, combattre les marchands de malheur et clamer que la France est un beau, grand et puissant pays de création. Glucksmann déplore « le grand silence des intellectuels progressistes », regrette qu’une « grande partie de la gauche ait renoncé à dresser une vision collective », souligne que de tous temps, il y eut en France des voix réactionnaires. Glucksmann, c’est l’anti-Zemmour. Comme lui, il sait se servir de l’Histoire pour développer sa pensée. Ainsi, il relève que le premier geste que Bonaparte pose après son coup d’État réussi du 2 décembre 1851, c’est de supprimer le cours d’histoire de Michelet. De tous temps, les dictateurs été soucieux de maintenir leur peuple dans l’ignorance, de maîtriser l’information et l’éducation. Prenons le contrepied de cette infâme attitude. Raphaël Glucksmann développe cette façon de voir dans un livre, Notre France. Dire et aimer ce que nous sommes (Allary éditions)

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 « La plus grande et la plus émouvante histoire serait l’histoire des hommes sans histoire, des hommes sans papiers, mais elle est impossible à écrire. »

            (Jean Guéhenno. Changer la vie, mon enfance et ma jeunesse, éd. Grasset, 1961)

Samedi 8 octobre

 La Deutsche Bank, première banque allemande, en sérieuses difficultés, pourrait être sauvée par le Qatar. Celui-ci, possédant déjà 10 % du capital, envisage de monter à 25 %. Au lieu de se méfier des quelques immigrés arabes et/ou musulmans qu’ils croisent dans les rues, les citoyens européens feraient mieux de s’intéresser à ce qui se trame à l’échelle des centres nerveux qui les gouvernent et s’engager, de leur petit espace vital, à leur opposer une contrepartie. Á s’engager ! Le premier devoir d’un citoyen, ce n’est pas de se plaindre stérilement, c’est de s’engager.

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 « Le rassemblement des citoyens dans des organisations, mouvements, associations, syndicats est une condition nécessaire au fonctionnement de toute société civilisée et bien structurée. »

            (Vaclav Havel. Méditations d’été, éd. de l’Aube, 1992)

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 Élections législatives au Maroc. Les islamistes, sortants, battent encore les libéraux. « Pas grave » dit l’Occident, le Roi Mohammed VI veille. C’est lui qui gouverne, la Constitution le lui permet. Certes, mais jusques à quand ?

Dimanche 9 octobre

 Quand l’ouragan Matthew s’est abattu sur Haïti, on a évoqué la possibilité de 200 morts. Au fil des jours, le chiffre a augmenté, comme toujours lorsque l’on est amené à commenter une catastrophe naturelle. Hier, c’était 900. Ce matin, la presse dit que «le millier sera sans doute atteint ». Rien de plus courant. Mais observons la carte. Une fois encore, la géographie guide l’examen de l’actualité, la géographie balise l’Histoire. Haïti se partage, avec Saint-Domingue, l’une des quatre plus grandes îles Antilles dans la Mer des Caraïbes. La frontière est une ligne droite, bien verticale, témoin d’un partage arrangé, comme pour certains pays occupant le Sahara… Sauf que là-bas, il n’y a pas de désert, seulement une différence sensible de statut social au point que le beau et bon tourisme fait vivre la riche Saint-Domingue. Le résultat est net : quand un ouragan ravage l’île, on ne parle jamais que d’Haïti, comme si la tornade ne prenait son envol qu’après la frontière en question. Il faut vraiment bien chercher, fouiller les nombreux articles de presse qui se sont fait jours durant la semaine écoulée pour dénicher la simple appellation Saint-Domingue. Quant aux images d’Haïti dévastée, elles parlent d’elles-mêmes : si Haïti est la plus touchée, c’est parce qu’elle est – et de très loin – la plus pauvre. Éole aussi se moque de l’égalité parmi les Hommes.

                                                                       *

 La France a déposé sur la table du Conseil de Sécurité de l’ONU la résolution qu’elle avait annoncée afin que cessent les bombardements sur Alep. Ce texte fut conçu et défendu par son ministre des Affaires étrangères en personne, Jean-Marc Ayrault, après deux visites rapides à Moscou et à Washington. La Russie a usé de son droit de veto pour rejeter cette résolution. Poutine n’entend que le rapport avec la principale puissance, à savoir les Etats-Unis d’Amérique, et il est déjà dans le suivant, le rapport qui sera établi avec le nouveau maître de la Maison-Blanche. Celui-ci ou celle-ci, élu dans un mois,  ne prendra ses fonctions que le 1er janvier. D’ici là, les Aleppins sont priés de se tapir.

                                                                       *

 Trop, c’est trop. Et trop, c’est Trump. Le candidat républicain vient de perdre le soutien de plusieurs hautes personnalités de son parti à la suite de propos misogynes en grande partie basés sur la sexualité. Sa défense consiste à jouer le peuple contre les élites. Là, on est dans un phénomène courant, propre aux années de basse conjoncture, dont d’autres époques nous ont déjà montré les conséquences. Ici, en Europe. Á suivre…

                                                                       *

 Sarkozy ne s’avoue pas vaincu par Juppé, malgré les sondages qui lui sont défavorables dans la primaire de la droite et du centre. Il réunit 6000 personnes enthousiastes au Zénith avec une invitée-vedette qui fait grosse impression en débitant son éloge : Ingrid Betancourt, six ans prisonnière des FARC dans le maquis colombien qui, enchaînée à un arbre, entendit à la radio de ses ravisseurs la voix de Sarkozy. Elle constata immédiatement que ses geôliers étaient impressionnés. Á partir de ce moment-là, les révolutionnaires marxistes ne se comporteront plus de la même manière avec elle. La salle croit en la légende de type conte de fée. Elle est émue. Prêt à tout, aujourd’hui, Sarkozy aura convoqué Walt Disney.

                                                                       *

Bombardé hier soir par Yann Moix et sa pipelette à l’émission de Laurent Ruquier On n’est pas couché sur France 2, Éric Woerth, secrétaire général du parti Les Républicains, député-maire de Chantilly, ami personnel de Nicolas Sarkozy, pose la bonne question, celle qu’il faudra tout particulièrement avoir à l’esprit en suivant les interviouves, les entretiens et les débats qui préparent la campagne pour l’élection présidentielle : « Est-ce que le talent d’un journaliste se mesure à son agressivité ? » Enfin ! Voilà bien résumés les défauts hélas ! fondamentaux de cette émission conçue et regardée pour que l’invité politique soit blessé, irrité, furibond. Et s’il quitte le fauteuil exaspéré, c’est que la prestation des pseudo-journalistes fut réussie. « Est-ce que le talent d’un journaliste se mesure à son agressivité ? » Tout est dit. Évidemment, l’autre question surgit, adressée à tous les politiques qui acceptent l’invitation : « Que diable alliez-vous faire dans cette galère ? » Et s’ouvre alors l’analyse du pouvoir de l’instrument télévisuel sur l’entretien de la popularité. Mais cela, c’est une autre histoire…

                                                                       *

 « La télévision n’est pas le reflet de ceux qui la font mais de ceux qui la regardent. »

            (Françoise Giroud, in Le Nouvel Observateur, 6 décembre 2001)

 

 « Aujourd’hui, il vaut mieux présenter la météo à la télévision qu’être sociétaire de la Comédie-Française. »

            (Michel Galabru, in Le Figaro-Magazine, 3 décembre 2011)

Lundi 10 octobre

 Lors du deuxième débat télévisé entre Clinton et Trump, la démocrate a condamné les déclarations machistes à caractère sexuel de son adversaire. Celui-ci a répliqué en évoquant les frasques sexuelles de Bill. La presse américaine dans son ensemble considère que ce fut le débat politique le plus sordide de toute l’histoire présidentielle des Etats-Unis.

                                                                       *

 Éternité, film de Tran Anh Hung inspiré du roman d’Alice Ferney L’Élégance des veuves (Actes-Sud, 2016). Trois femmes (Audrey Tautou, Bérénice Béjo et Mélanie Laurent) confrontées à la rigueur conservatrice des règles bourgeoises. Douceurs et tremblements. Naissances, douleurs, mariages. Et la mort qui rôde. Toujours. Comme il est agréable de concevoir une vie, des générations dépourvues de tout problème matériel, qui ne se soucient en rien de la marche du monde, et qui goûtent aux charmes de Dame Nature ! Tout serait parfait s’il n’y avait la faux, qui vient troubler la sérénité du bonheur accompli grâce au règne de la lenteur. Même les images, si splendides, finissent par lasser.

                                                                       *

 « Dans la langue de la bourgeoisie, la grandeur des mots est en raison directe avec la petitesse des sentiments. »

            (Edmond et Jules de Goncourt. Idées et sensations, 1877)

Mardi 11 octobre

 D’après Le Figaro, la primaire de la droite « se durcit ». N’est-ce qu’un début ? Il reste en tout cas 40 jours de campagne pour le premier tour, et une semaine d’affrontement bilatéral… Devinette : quel verbe faudra-t-il utiliser lors de la prochaine étape si l’escalade s’amplifie ?

                                                                       *

 « La parole douce rompt la colère, la parole dure excite la fureur. »

            (De la Bible. Le Livre des proverbes)

                                                                       *

 Le 100e titre de la magnifique collection Dictionnaire amoureux dirigée par Jean-Claude Simoën aux éditions Plon est consacré à Tintin. Réalisé par Albert Algoud, il donne naissance à de très nombreux articles de presse, d’autant qu’une exposition est consacrée à Hergé au Grand Palais. Indépendamment des remarques habituelles (le sexisme, la complaisance avec l’occupant nazi, l’antisémitisme, le racisme que l’auteur considère comme « indéniables »…), l’on s’aperçoit que le nom du personnage légendaire commence à engendrer bien des substantifs : tintinophilie, tintinophobie, tintinolâtrie, tintinologie, etc. Chez de Gaulle, qui considérait Tintin comme son seul adversaire, il y a gaullisme et gaulliste, un peu gaullien aussi. Pour Tintin, on observera, en s’amusant, comment les comités Larousse et Robert auront tranché, sachant que d’autres néologismes pourraient encore apparaître au départ de ce prénom si facile à compléter sémantiquement.

Mercredi 12 octobre

 Donald Trump est tellement imprévisible, gaffeur et infréquentable qu’il provoque une crise de nerfs au sein du grand parti républicain. Les Étatsuniens ont encore devant eux près d’un mois de campagne. Le clown commence vraiment à ne plus faire rire personne. Vraiment.

                                                                       *

 Deux statistiques captées au vol.

1. France. Un agriculteur sur trois gagne moins de 300 euros par mois. En 2014, c’était un sur   

cinq. Il sera de plus en plus difficile de leur faire comprendre que la Politique agricole commune européenne (PAC) est un bien et même un atout.

2. Iran. 60 % des Iraniens sont âgés de moins de 30 ans et parmi eux, une majorité de femmes                         

lorgnant vers les atours de l’Occident. Du côté des réussites universitaires, les femmes sont deux fois plus diplômées que les hommes.

                                                                       *

 « Dans la sphère religieuse, la femme est le sexe fort. »

            (Paul Evdokimov. La Femme et le salut du monde, éd. Desclée De Brouwer, 1991)

 

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