Humaniste, votre gouvernement ?

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Par | Penseur libre |
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A Athènes, en Grèce, des réfugiés et migrants dans le camp de Skaramagas. Photo UNICEF/Gripiotis
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Non, M. Charles Michel, la politique de votre gouvernement n’est fondée ni au plan humain, ni au plan juridique, ni au plan économique.

Au plan humain, votre politique n’est pas humaniste. Il n’y a pas de « bons » et de « mauvais » réfugiés. Les « bons », seraient ceux que l’on accepte dans le cadre de la politique d’externalisation de l’Union européenne, ce qui signifie le refoulement de tous, au-delà de nos frontières, même de ceux qui sont en droit de revendiquer l’asile chez nous.

Vous empêchez une politique d’octroi de visas qui permettrait aux « bons » réfugiés de venir chez nous sans risquer leur vie sur les routes ou les mers et sans être dépouillés par des passeurs mafieux. En réalité, c’est vous qui aidez les mafieux à sévir dans les camps de refoulement et aux frontières lointaines de l’Europe.

Les vrais humanistes sont ces citoyens qui, eux, appliquent le droit - en plus des valeurs de solidarité humaine - en accueillant chez eux des demandeurs d’asile et des migrants en détresse. Et vous voulez les traquer par des visites domiciliaires.

Nous vous demandons de veiller à ce que l’histoire ne se répète pas. A ce sujet, nous vous conseillons la lecture du Monde Diplomatique de janvier 2018. Sous la plume d’Anne Mathieu, on se plonge dans les années 30 en France où des lois étaient votées pour refouler les étrangers « indésirables » : réfugiés, espagnols, italiens, juifs qui fuyaient la répression dans leurs pays. Déjà, des voix s’élevaient contre ces mesures qualifiées de fascistes prises par des responsables politiques dans la « patrie des droits humains ». Les mêmes mesures sont aujourd’hui reproduites chez nous, en Europe.

Au plan juridique, cette année, nous célébrons les 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH). Une vaste campagne est lancée à cette occasion parmi les jeunes, dans les écoles, les organisations de jeunesse, les universités. Nous vous conseillons de relire l’article 13 : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » ; l’article 14 : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».  Et l’article 28 : « Toute personne a droit à ce que règne sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncées dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet. »

 La DUDH n’est pas un traité mais elle est l’expression du droit international coutumier et, à ce titre, elle est aussi contraignante que le droit international conventionnel. Si les juristes de votre administration ne le confirment pas, faites leur lire la meilleure doctrine.

En outre, les réfugiés qui répondent à la définition portée par la Convention de Genève de 1951 telle qu’amendée par son protocole de 1967 – des instruments ratifiés par la Belgique – doivent bénéficier de l’asile chez nous aux termes mêmes de ces textes. Si ce n’est pas le cas, la Belgique commet un fait internationalement illicite engageant sa responsabilité. Même s’Il n’est pas sûr qu’un État demande des comptes à la Belgique pour son abstention à agir conformément au droit international, l’Histoire retiendra que la Belgique n’a pas été un modèle de respect des règles qui la lient.

Au plan économique – c’est l’économiste qui vous l’écrit –, les réfugiés (fussent-ils des migrants économiques) sont de futurs opérateurs économiques ; ils apportent un sang frais à l’économie d’un pays : acteurs commerciaux et contribuables potentiels, ils donnent de nouvelles impulsions au mouvement de l’économie et favorisent finalement la croissance. Certes, l’accueil des réfugiés a un poids budgétaire (parfaitement supportable, au demeurant, pour un pays comme la Belgique) mais, à l’instar de tout investissement, il s’avèrera rentable à plus ou moins long terme. Angela Merkel ne s’y est pas trompée et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’économie allemande ne se porte pas mal …

Enfin, sur un plan à la fois économique mais aussi politique et, à nouveau, humain, M. le Premier ministre, les budgets de la  coopération au développement sont en partie détournés pour financer  le refoulement des immigrés indésirables. Or, cette coopération a souvent pour effet de priver les travailleurs des pays les plus pauvres d’accéder à des emplois et des revenus leur permettant de vivre dignement, eux et leur famille. Les accords de libre-échange imposés à ces pays par l’Union Européenne et le Fond monétaire auxquels la Belgique contribue, creusent encore le gouffre entre l’infime minorité des plus riches et la grande masse des plus pauvres.

M. le Premier ministre, ne vous associez pas à l’argumentaire des responsables politiques de droite extrême comme M. Viktor Orban et d’autres qui conduisent l’Europe vers la dénégation du sens même de la démocratie et des valeurs qu’elle est censée partager.

Déjà, demain, vous serez obligé de côtoyer les ministres autrichiens d’extrême-droite, une tendance politique que vote père avait eu le courage de condamner.

Pourquoi, alors, ne pas vous associer à la campagne de boycott de l’Autriche, lancée par le Mouvement antiraciste européen et relayée chez nous par les Territoires de la Mémoire ?

Pierre Galand

Président de l’APNU, de l’OMCT-Europe, past-président du CAL et de la Fédération Humaniste européenne, ancien secrétaire général d’Oxfam

 

http://70ansdudh.be/

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