Droit à la différence ou droit à la diversité?

L’avenir de l’école

Par | Penseur libre |
le

Photo©Laurent Berger. Etoile de la diversité.

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L’expression  dogmatique d’un droit à la différence est récupérée par les idéologies liberticides qui finissent par porter atteinte à la présence de la diversité. L’intérêt particulier revendiqué écarte  la défense de la singularité et de l’universel. Mon identité est une composante de plusieurs appartenances : protestant, libre penseur, enclin à la spiritualité, mais pas à la religion, et tant d’autres choses: la liste serait trop longue. C’est cette diversité que je souhaite mettre en évidence à mes élèves. L’humaniste préfère l’expression d’une personnalité ouverte de l’individu qui vit avec plusieurs appartenances possibles à un droit à une différence formatée qui est souvent enfermée dans une seule identité radicale.  Je me méfie des revendications  qui pourraient engendrer un mode de vie basé sur le séparatisme. En fait le droit à la différence pourrait remettre en cause les différences possibles que l'école envisage pour un développement social favorable.

L’école demande de pouvoir défendre la diversité et liberté de conscience. Elle développerait la conciliation entre le développement individuel et collectif. Si tous les voiles sont de couleurs différentes, alors la diversité est bien vivante: elle propose une énergie positive. A contrario, s’ils deviennent tous noirs pour dissimuler une idéologie, ils révèlent alors la présence d’un uniforme qui affiche une différence calculée. Ainsi, des voiles bleus, jaunes, noirs, blancs ne me dérangeraient pas tellement à l’école, j’y verrais plutôt un choix personnel. C’est plutôt la présence de clans portant des signes ostentatoires qui me gênerait. Ce n’est pas tellement le signe qui serait religieux que je dénonce, mais plutôt l’expression d’un discours idéologique revendicateur qui accompagne parfois ce signe qui me rend perplexe.

En France, deux conceptions républicaines ont coexisté. La première est nationaliste : le ciment est la culture française. Celui-ci se forme avec une vision d’assimilation. La deuxième conception affirme la république sociale et universelle. Le ciment devient ainsi international. Je soutiens cette deuxième vision interculturelle que je propose de transmettre à l’école. Ne pas se limiter à « la culture de l’élève », mais éviter aussi de revenir à une culture nationale trop restrictive, parce qu’elle ne tient pas compte des changements de la composition de ses membres. L’inviter à découvrir une culture partagée élargie à partir de la diversité assurée par une société qui défend le pluralisme. Ce qui suppose l’ouverture au monde. L'homme qui ne peut aller vers les différentes formes de pensée ne peut pas exprimer la sienne. 

Le multiculturalisme apparent cache l’absence d’un authentique dialogue interculturel.  Les pratiques telles que l’excision, la lapidation, le mariage forcé n’offusquent pas simplement les valeurs de la République française, mais sont en contradiction avec les valeurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme. D’ailleurs, le mariage forcé a aussi existé en Occident : relisons Molière pour le vérifier. De plus, en France, les cités où vivent des jeunes qui ne se sentent pas français attestent de l’échec du projet nationaliste républicain. Néanmoins, nous pouvons aussi attester d’un échec de la société multiculturelle qui n’a pas tenu ses promesses, parce qu’elle est dominée par certains communautarismes qui se montrent sectaires.

Il paraît par conséquent nécessaire de penser ensemble la fraternité, l’égalité, la liberté, plus uniquement sous le mode principal occidental, mais avec une approche réellement universelle. Ce que nous appelons à tort nos valeurs existent aussi ailleurs ! Cependant, il est un fait, jusqu’à preuve du contraire, qu’en Occident, nous avons été plus loin dans l’émancipation de l’individu par rapport aux différentes formes de pouvoirs centraux. Suis-je raciste et méprisant vis-à-vis des « autres cultures » si j’affirme des faits évidents de progrès qui ont été réalisés en Occident alors que mon élève Rachida n’a aucun mal à les reconnaître et à les apprécier ? Est-ce que la pensée occidentale n’a pas favorisé en son sein une certaine forme de diversité ? Sans méconnaître les défauts majeurs de nos sociétés, allons-nous remettre en cause les libertés qui nous sont garanties jusqu’à présent ? La laïcite, ce n'est pas imposer l'uniforme. Au contraire, elle assure la reconnaissance de la diversité et d'une différence authentique. Une différence originale n'est pas une différence fabriquée et déterminée dans un projet totalitaire.

L’école présente un rôle à jouer afin de réfléchir sur la notion d’universel. La liberté revendiquée du droit à  la différence rentre en compétition avec le principe de l’égalité des chances de pouvoir sortir de l’étroitesse d’une culture qui serait monolithique. Aussi, le malaise concernant la formation de l’identité humaine ne concerne pas seulement les élèves d’origine étrangère, mais il se remarque plus généralement chez l’ensemble d’une jeunesse qui est confrontée à une crise du sens et qui est tentée par les discours identitaires radicaux. Le multiculturalisme a été récupéré par le grand marché. Ce qui a pour conséquence un estompement de la connaissance de la culture d’origine, mais aussi une absence de la connaissance des cultures possibles qui pourraient nous enrichir. L’islam, ce n’est pas que le salafisme. Et le salafisme ne réduit pas à une seule idéologie.  Nous pourrions marquer ainsi notre préférence pour une politique véritablement interculturelle. Laisser libre l'autre avec sa seule différence en porte drapeau est-ce vraiment contribuer à son émancipation? 

La vision des droits de l’homme est transformée, on parle dorénavant des droits humains : les droits sont devenus particuliers : ils ne sont plus interprétés dans une perspective universelle. Chaque homme rencontre ses propres droits, ses propres différences. Alors le professeur ne pourrait plus demander à ses élèves de rencontrer d’autres appartenances, de voyager dans d’autres modes de pensée, de s ‘ouvrir. "Je suis musulman et rien d’autre, je suis juif et rien d’autre, je suis client et d’autre, et je demande que ma différence soit défendue, ma seule et unique différence." Oser dialoguer sur l’universel. Se pencher sur ce qui unit les hommes plutôt que se focaliser sur leurs différences restreintes n’est plus tellement encouragé. Par contre, la tendance est de plutôt accorder les dérogations séduisantes ou des accomodements raisonnables qui renforcent les particularismes : à chacun sa nourriture dans son propre espace, portes fermées.

L’école devrait ainsi s’adapter à chaque mode de vie particulier. "Je ne veux pas faire la gym parce que je fais le ramadan, je ne veux pas rentrer le premier septembre parce que j’ai ma fête, je ne veux pas serrer la main de ce professeur parce qu’elle est une femme, je ne veux pas être soignée par ce médecin parce que c’est un homme, je ne veux pas faire du théâtre parce que ma religion m'interdit de mentir"  L’école et la société pourraient-elles encore faire agir ensemble en tenant compte de chaque revendication particulière ?

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