Rencontres avec les ethnies Lisu et Kayah au Myanmar (9)

Question d'optique

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Femme de l'ethnie Lisu Photos Jean-Frédéric Hanssens

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Nous quittons ce matin la ville de Loikaw, capitale de l’État Kayah. Cette région est située dans l’est du pays avec au nord l’État Shan, que nous venons de quitter, à l’est la province thaïlandaise de Mae Hong Sonet et au sud et à l’ouest par l’État Karen. Il est le plus petit état du Myanmar et compte un peu moins de 300.000 habitants. Il est traversé par le fleuve Salouen qui prend sa source au Tibet pour se jeter dans l’Océan Indien au sud du pays près de Moulmein (ancienne Mawlamyine dont parle Rudyard Kipling dans son poème « Mandalay » et où y vécu George Orwell.) Les ethnies principales qui y vivent sont regroupées sous l’appellation « Karenni » (Karen rouges) ou Kayah et dont l’origine est sino-tibétaine. Jusqu’il y a cinq ans, il était encore difficile, voir impossible, pour les étrangers d’accéder aux villages situés dans les montagnes autour de Loikaw. Cet État parmi les plus pauvres et isolés du Myanmar sort lentement de 50 années de guerre civile dont les stigmates y sont toujours bien présents, notamment par une présence militaire birmane bien visible. Nous arrivons à présent, après environ 2 heures de route, dans un village de l’ethnie Lisu. Nous sommes accueillis dans une famille et guidés par une jeune femme du village qui nous servira d’interprète, notre jeune guide ne parlant pas leur langue. Comme à l’accoutumée, nous serons bombardés de questions sur notre manière de vivre et notre famille. Nous faisons de même. Traditionnellement les Lisus vivent de l’agriculture, cultivant du riz, des fruits et des légumes. Ils cultivent l’opium comme d’autres ethnies du Triangle d’Or. La mort est particulièrement crainte par les Lisus qui sont animistes et considèrent que l’esprit d’une personne décédée demeure potentiellement dangereux pendant trois ans, après quoi il rejoindra la demeure de sa descendance, sur l’autel. Les esprits de ceux qui n’ont pas d’enfant, ou de ceux dont la mort n’est pas naturelle (homicide, suicide ou accident) peuvent attaquer d’autres personnes selon la tradition. Les esprits des anciens sont régulièrement honorés par des offrandes de riz, d’eau, de liqueurs, de bâtons d’encens et d’ambroisie pour répandre la santé et la bonne récolte. Nous faisons le tour du village, une femme âgée nous invite à prendre le thé chez elle. Elle nous raconte que son mari est mort au combat dans la montagne, abattu par les militaires de l’armée birmane. Nous sommes au frais dans sa maison en bois. Il est 13h. Dehors la température doit approcher des 30 degrés sur cette colline nichée au pied des montagnes qui l’entourent. Nous la saluons, elle nous adresse un sourire chaleureux. Nous reprenons la route vers le village de Hta Nee Lah de l’ethnie Akah. Autre ambiance, nous sommes accueillis par une responsable qui s’adresse à nous dans un anglais presque british et qui nous conduit sous une hutte de branchages où nous attend un excellent thé birman. Devant nous une grande carte du hameau peinte avec des dessins naïfs représentant les neufs lieux d’activités à visiter et sous laquelle figure une phrase en anglais« Apprenez, partagez, vivez, marchez au rythme de la vie locale ». Il s’agit d’un "Community village" qui survit grâce aux touristes. Nous en croiserons quatre en un peu moins de trois heures. Nous entamons donc à pied notre parcours. Les Kayahs sont environ 100 000. C’est l’ethnie la plus importante de l'État Kayah, auquel ils ont donné leur nom. Les femmes ont été surnommées " femmes-éléphants " par l'explorateur Vitold de Golish dans les années 1950, parce qu’elles enroulent des fibres végétales autour de leurs cuisses et genoux. Ils sont principalement animistes. Au-dessus de chaque chambranle de porte à l’entrée principale de la maison, un petit hôtel est aménagé dans lequel on y dépose des ossements de poulets, plumes, peaux d’animaux qui devraient apporter protection et prospérité aux habitants et visiteurs des lieux. Au détour d’un chemin, nous découvrons un champ parsemé de troncs d’arbres, semblables à certains totems indiens au sommet desquels sont déposés de petits autels dédiés aux esprits auxquels les habitants, rassemblés pour l’occasion, y viennent pour rentrer en contact avec eux. De retour à l’entrée du village, nous n’échapperons pas à la distillerie familiale d’alcool de riz. Retour à notre petit hôtel de Loikaw. Demain, nous attend une longue journée de voiture dans la montagne à la rencontre des ethnies Padaung et Kayaw.


Femme de l'ethnie Lisu Photos © Jean-Frédéric Hanssens


Femme de l'ethnie Kayah

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