Images du désastre écologique : Back to Paradise.

Street/Art

Par | Penseur libre |
le

Marko93

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Lecture 4 min.

Les street artistes sont des créateurs d’images. Images qui, fétus de paille, sont emportées par Internet et les réseaux sociaux. Les flux d’Instagram et de Facebook, pour ne citer qu’eux, charrient un fleuve jamais tari d’images. Dans ce maelstrom, difficile de saisir des régularités et des occurrences, pour faire émerger des structures, des thèmes et des sujets d’étude. Difficile certes, mais pas impossible. Pour cela, il suffit de réduire (réduire comme on le dit en algèbre) le nombre de données en les classant (classement par thème, par sujet pour le fond, classement en fonction des techniques pour la forme etc.) C’est un travail laborieux et, en la matière, comme les artisans d’antan, chacun doit fabriquer ses propres outils. Des outils de classement, des outils pour l’analyse et l’interprétation des sources.

Un exemple est, me semble-t-il nécessaire, pour illustrer cette approche. Voilà quelques semaines, j’ai commencé à écrire une série de billets sur les images de la pollution. Ecartant le projet d’une analyse exhaustive de toutes les manifestations de la pollution, j’avais restreint mon observation aux images de la pollution atmosphérique. J’avais essayé de montrer que la capillarité entre les images a donné naissance à une image iconique symbolisant la pollution de l’air : le masque à gaz dans sa version de la Première guerre mondiale.

Dans ce billet que j’entends consacrer à la biodiversité, mon objectif est le montrer, exemples à l’appui, que l’angoisse de la disparition des espèces s’exprime en empruntant les structures principales du récit biblique du paradis terrestre.

Les œuvres des street artistes s’inscrivent dans un large mouvement des idées qui promeuvent la protection de l’environnement pour protéger les espèces. Ce sont, en quelque sorte, des œuvres de combat. Et ce combat est éminemment politique. Il s’agit de faire pression sur les exécutifs nationaux en alertant les « regardeurs » et, au-delà, l’opinion publique, pour faire adopter des politiques vertueuses.

Les street artistes, dans un premier temps, ont d’abord représenté les animaux directement menacés par les menaces sur leur environnement : les baleines, les ours blancs, les éléphants, des singes, des abeilles etc. Le bestiaire s’est enrichi de représentations d’autres animaux, des insectes, des poissons, des oiseaux partageant un caractère commun : la beauté. Le sous-texte est le suivant : sans révolution écologique mondiale, cette beauté est vouée à la disparition. Certains artistes dépasseront le cadre réaliste de la reproduction de la nature en ajoutant une dimension purement décorative. Ainsi naîtront des animaux fantastiques, encore plus beaux que nature !

Des animaux menacés de disparition, le champ s’est étendu par contiguïté aux autres animaux donnant par extension naissance à des chimères belles et merveilleuses.

Des animaux en gloire, les artistes ont ajouté d’autres formes de vie, hélas menacées ; les coraux par exemple, les arbres, les fleurs et les plantes. D’abord représentées seules, pour elles-mêmes, les formes végétales ont fusionné avec les animaux pour produire de somptueux tableaux.

Les compositions ne se limitent pas à dénoncer les ravages de la destruction de la biodiversité, elles renvoient l’image d’un monde idéal dont la mort est annoncée. Comment le décrire ? Un monde dans lequel vivent en harmonie les espèces animales dans une végétation luxuriante. Un monde dominé par la beauté. En somme, un jardin d’Eden.

Un récit des origines du Mal se dégage de la multiplicité des œuvres. Notre monde était un paradis terrestre, la pollution dont seul l’Homme est responsable menace de le détruire. Pour conserver ce paradis, il faut détruire ce qui le détruit. Dans ce récit, la Mal incarné dans la Bible par le serpent, est remplacé par la pollution, qui est une œuvre démoniaque puisque comme Adam et Eve nous sommes chassés sans espoir de retour du Jardin des délices.

Pour raconter le monde tel qu’il va, les artistes, inconsciemment, réactualisent un récit vieux comme le monde. Ils réinjectent dans les mythes leurs angoisses et leurs peurs donnant à voir un discours sur la chute.

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Pochoirs de Polar bear.

Fresques de Louis Masaï

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