Modestie rime avec pédagogie

Pour remettre les idées à l’endroit...

Par | Penseur libre |
le
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Paradoxalement, ces vingt dernières années, alors que je suis retraité, j'ai eu l'occasion d'être plus en contact avec de jeunes enseignants d'écoles et de milieux diversifiés que lorsque j'étais en fonction. J'ai ainsi pu constater que de plus en plus d'enseignants se lancent dans leur carrière avec un bagage insuffisant de connaissances à propos de différentes pédagogies existantes. Le peu que leur formation leur a laissé à leur propos se résume à des idées simples si pas des stéréotypes. Ce qui entraine le plus souvent des effets de mode et en tout cas, un manque de cohérence dans les principes qui dirigent le fonctionnement de leur classe. Ils piquent à différentes pédagogies des recettes diverses qui ne favorisent guère cette cohérence nécessaire et qui ne répondent qu'en partie aux multiples problèmes que l'on peut rencontrer dans la gestion d'une classe.

Le même phénomène se manifeste chez les enseignants qui ont déjà un peu de bouteille et qui, constatant la vacuité de certaines de leurs pratiques, veulent en changer ou qui encore, tout simplement, ont un désir réel de changement pour mettre les valeurs qu'ils défendent dans leur vie personnelle au diapason de celles qu'ils pratiquent dans leur classe. Ils transforment peu à peu leur environnement, en utilisant les ressources qu'ils trouvent le plus souvent dans quelques livres et sur l'internet bien entendu.

En pratiquant ainsi, les uns et les autres croient souvent inventer une nouvelle méthode pédagogique, une nouvelle technique de travail. Certains n'hésitent même pas à les baptiser de leur propre nom ou d'un titre accrochant. Cette façon de faire est particulièrement sensible parmi les initiatives actuelles de création d'écoles. Beaucoup d'aspects revendiqués par leurs promoteurs sont présentés comme nouveaux, « alternatifs », si pas révolutionnaires alors qu'ils font partie des options de base de courants d'éducation nouvelle du début du 20e siècle.

Ils ont manqué une étape. Celle de la rencontre et de la confrontation avec les autres, éléments essentiels pourtant dans le processus de changement. Celles-ci peuvent en effet se réaliser à l'intérieur des mouvements pédagogiques existants, au plus grand profit de tous. Beaucoup d'enseignants résistent, car ils croient qu'en agissant ainsi, ils s'engagent dans une chapelle, si pas dans une secte et ils craignent l'embrigadement, si pas l'influence d'un gourou.

Certes, certains mouvements peuvent donner cette impression et les prérequis pour y entrer peuvent être parfois comparables à ceux qui sont demandés par une église quelconque.

Mais en agissant ainsi, ils perdent de vue que dans ces mouvements (dont certains sont centenaires), depuis longtemps, des enseignants ont labouré et labourent encore tous les champs éducationnels, adaptant en permanence les techniques découvertes à la réalité des terrains rencontrés. Il faut être modeste : beaucoup d'enseignants avant nous ont souffert de l'organisation de l'école, de ses travers, de ses outrances, de ses aberrations et ont cherché, découvert, inventé de nouvelles pratiques épanouissantes pour les enfants et eux-mêmes. Il n'y a donc aucune honte ni crainte à avoir si l'on se met dans le sillage d'enseignants qui ont déjà défriché les chemins avant nous. Il ne s'agit pas de suivisme ni d'obédience. Il s'agit encore moins d'obéir à un quelconque gourou. Il s'agit plutôt de compagnonnage, de coopération, de reconnaitre une filiation dans un contexte évolutif. Les enseignants des mouvements pédagogiques mettent en effet leurs découvertes à la disposition de tous, sans esprit de lucre ou de recherche de profit et encore moins de célébrité. Mais ils acceptent le débat, le regard des autres sur leurs productions, la critique constructive, la coopération dans la fabrication d'outils libérateurs.

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Reconnaitre un héritage pédagogique est une preuve de maturité pédagogique et surtout de modestie. Certes, l'on ne peut pas nier que certains héritages ont plus de valeur que d'autres, plus de cohérence interne. Il faut faire un choix et par conséquent éviter (au risque de retomber dans le  « melting pot pédagogique ») l'adoption de « méthodes » diverses, ludiques mais juxtaposées l'une à l'autre et où manque cruellement, si je puis employer un langage de cuisinier, la sauce fédératrice...

 

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