Un enseignement à distance ou un lieu avant tout social

L’avenir de l’école

Par | Penseur libre |
le

photo © Laurent Berger

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L’école est avant tout un lieu social. Des élèves s’inquiètent de ne plus avoir de points. Or, l’occasion leur est donnée de travailler moins, mais de penser plus. Travailler pour des points au sens de produire toujours plus. Comme je l’ai déjà écrit, les points favorisent la tricherie, la concurrence. De plus, les élèves comparent leurs copies afin de vérifier si leur professeur ne s’est pas trompé dans son addition. Rares, ceux qui vont prendre conscience de leurs erreurs et se remettre en question afin de réellement progresser. Le calcul remplace la pensée. La performance remplace l’initiation. Produire remplace la créativité. Reproduire la réalité, être fidèle à ce qu’elle impose. Pourtant, la réalité n’est que ce que nous percevons. Donc, nous pouvons la changer. Le récit de l’enseignement à distance, qui obéit à la pensée magique, oublie l’importance de la transmission entre les générations. Nous sommes une espèce fabulatrice. Si l’école apprend à reproduire ce qui est, nous aurons des élèves qui manqueront de sens critique, de vigilance. Nous aurons des élèves qui ne ferons que reproduire des schémas attendus. Des organes qui ne changent pas, finissent par mourir. Ce ne sont pas nécessairement les plus forts qui s'adaptent, mais ceux qui ont la capacité d'imaginer, de penser, de méditer, de se retirer. 

En cette période de confinement, je crains qu’une concurrence, qui existe déjà, se renforce entre les écoles qui appartiennent à plusieurs réseaux, et entre les professeurs qui selon leur équipement et compétences informatiques vont désirer séduire les élèves par écrans interposés.  Les circulaires sont claires: pas de nouveaux apprentissages, des travaux à domicile uniquement à but formatifs.

Avez-vous ces belles familles idéales confinées dans de grands espaces, dans de superbes maisons éclairées où la bonne entente règne? Ces reportages télévisés embellissent la réalité. Chacun a sa pièce avec son bureau, chacun peut travailler en paix. Croyez-vous que c’est le cas pour toutes les familles?

Il faut rappeler que l’école donne accès à une perspective collective qui autorise les échanges, la transmission, la solidarité dans une société où un mauvais individualisme règne. 

Le discours dominant est de remettre les élèves le plus tôt possible sur le marché de l’emploi. Alors que l’économie dogmatique tue les secteurs publics de l’enseignement, de l’éducation, de la justice. 

Surtout nos élèves ne sont-ils déjà pas trop sur les écrans? Ne serait-ce mieux qu’ils écoutent les informations à la télévision avec leurs parents afin d’enrichir les conversations. De leur donner à lire des romans, de retrouver le plaisir de toucher des livres, des romans, des livres de peinture, de photographie? D’écouter la radio, de jouer d’un instrument? 

Je ne remets pas en cause l’enseignement à distance. Je l’envisage comme un complément ,qui dans les circonstances actuelles ,nous permet de maintenir le contact social avec les élèves. Mais, rien ne remplacera la présence humaine. L’école est aussi le lieu où les différentes générations peuvent se parler, ce qui est de moins en moins le cas puisque la société marchande encourage le jeunisme, le repli sur soi, l’entre soi, le clonage, l’identitaire. La présence physique de l'enseignant autorise la motivation, l'élève apprend à se sentir concerné par l'autre.

Ce qui me préoccupe aussi en tant que défenseur de l'égalité et de l'émancipation de tous, c'est la question de l'accès à cet enseignement à distance présenté comme un miracle. Tout d'abord, toutes les écoles ne sont pas équipées de la même manière, j'utilise dans mon école des logiciels obsolètes, lourds, la connexion wifi peut être saturée, je suis mieux équipé à la maison, je travaille plus facilement, mais est-ce que tous nos élèves disposent d'une connexion performante? Quand je vois le prix des abonnements Proximus, je m'interroge sur cette modernité qui serait pour tout le monde. Oui, tout le monde aurait un smartphone, d'accord, mais est-ce vraiment la réalité quand nous savons que les inégalités sociales augmentent. Les meilleurs performeurs dans le monde virtuel se voient attribuer des points en plus, ils entrent dans des classements, suivent l'ordre de la flexibilité.

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La présence physique est négligée par le monde libéral platonique des idées, des recettes et des modes d'emploi. 

Le libéralisme impose l'idée d'un surmoi qui puisse agir seul et qui est responsable de tout. C'est oublier que nous sommes des animaux sociaux!  Le libéralisme profite toujours des crises pour augmenter la responsabilité des individus. Les vendeurs en profitent pour vendre leurs manuels scolaires virtuels. Il me semble que la télévision pourrait retrouver sa vocation publique pour donner à toutes les familles des programmes éducatifs, des émissions culturelles, des visites dans les musées.

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