Pub RTBF: au menu des négociations?

ConsoLoisirs

Par | Journaliste |
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Bientôt un vrai changement pour vos yeux, vos oreilles et votre cerveau? De plus en plus de parlementaires sont pour la suppression de la publicité à la RTBF.

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La nouvelle configuration du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles nous permet d’espérer une prise en compte plus concrète des combats de Consoloisirs: la suppression de la publicité et du sponsoring à la RTBF (et sur les télés locales?), le développement des droits du public culturel (du neuf se prépare, on vous en reparlera prochainement) et le développement de la gratuité des musées chaque premier dimanche du mois ainsi que la médiatisation fréquente de cet avantage.

Plus difficile est de prévoir ce que sera la prochaine majorité fédérale. Nous nous y préparons. Nous demandons l’élaboration d’un «Code de bonne conduite en faveur des visiteurs» pour tous les musées fédéraux.
Cette revendication est d’autant plus justifiée lorsqu’on constate les carences envers les visiteurs du Musée royal de l’Armée. Nous y consacrons la seconde partie de la présente lettre (points 7 à 12).

SOMMAIRE

1. Merci, les élections. Oui, il est désormais possible de supprimer la pub RTBF
2. Le prix est le premier obstacle
3. Pour le prochain Parlement fédéral
4. Vrais et faux directs TV, «Cordon sanitaire», etc. 
5. Deux affiches qui trompent énormément?
6. Le musée Magritte: un faux musée depuis 10 ans déjà
7. Tout ce qui ne tourne pas rond au Musée royal de l’Armée
8. Le MRA a doublé le prix de son entrée
9. Le MRA n’affectionne pas la gratuité pour la jeunesse
10. Le MRA est-il dans l’illégalité?
11. Le MRA informe mal le public et ne s’en excuse pas
12. Le MRA minimise-t-il l’effet du prix de l’entrée sur les visiteurs?

1. Merci les élections. Oui, il est désormais possible de supprimer la pub RTBF

Je ne m’étais pas trompé en pronostiquant dans ma newsletter précédente que «(…) Il est possible que dans le prochain Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il y ait une majorité de parlementaires décidés à mettre fin à la publicité ertébéenne. C’est historique».

Issu des élections du 26 mai 2019, le Parlement qui pourrait approuver cette mesure sera composé de 75 députés wallons et de 19 députés bruxellois, soit un total de 94 députés. 

Suite aux élections, dans cette assemblée, les perdants seront: 28 parlementaires PS (-8), 23 MR (-5), 11 cdH (-5). Les gagnants seront: 16 Écolo (+10), 13 PTB (+11). Enfin, un parti reste en situation de statu quo: 3 DéFI (=).

Tout dépendra bien entendu de la composition du futur gouvernement, mais pour l’instant, la balance penche plutôt pour l’adoption de la suppression de la publicité à la RTBF. 

En effet, on peut affirmer que Écolo, le PTB et DéFI (à condition d’une enquête préalable) y sont favorables. 

On sait que depuis que Elio di Rupo fut ministre de l’audiovisuel, le PS y est opposé.
Le dernier ministre des médias, Jean-Claude Marcourt (PS), a évité de débattre de ce sujet.

Mais à ne pas négliger: au sein du PS, il existe désormais une jeune génération de militants qui seraient pour la suppression. 

Rappelons aussi au PS que c’est l’un de ses membres, Merry Hermanus, qui a soutenu l’arrivée de la pub à la RTBF. Dans ma newsletter d’octobre 2018, je rapportais ses propos récents: «(…) Ayant été pendant 15 ans Commissaire du gouvernement à la RTBF, je suis de ceux qui, avec Robert Wangermée, se sont battus pour que la RTBF dispose de recettes publicitaires. Mais jamais, il ne fut envisagé de sombrer dans les pires turpitudes des TV américaines. La question que je me pose est de savoir s’il faut continuer à défendre un service public, effroyablement coûteux, s’il se comporte comme le secteur privé? (…)» (lire ici le point 1).

Afin de nourrir les travaux du congrès «extraordinaire» du PS pour son 40ème anniversaire, le PAC (Présence et Action Culturelles, l’association culturelle du PS) demanda à une série d’experts des textes de 12.000 signes pour faire un bilan et un point prospectif. Je fus choisi pour traiter de la RTBF: «Toutes les propositions sont les bienvenues, y compris les propositions hétérodoxes».
Ma contribution fut refusée car «trop polémique» (je l’ai ensuite publiée intégralement dans le chapitre 1 «La RTBF doit remériter sa dotation» de mon livre «RTBF, le désamour» paru chez Couleur Livres). Aucun autre texte ne fut commandé et donc, au cours de ces travaux, ne fut pas envisagé l’avenir de la RTBF, la matière culturelle la plus subsidiée de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 
Ceci démontre combien, pour la base du PS, le débat contradictoire sur la suppression de la pub (c’était un des constats de ma contribution) est confisqué. En 2019, j’ai encore remarqué que le PAC pouvait agir sur la publicité, celle qui nous nargue dans l’espace public, mais pas celle du service public. 

Enfin, le MR et le CDH sont très partagés et pourraient évoluer dans un sens ou un autre dans ce dossier. 

C’est Écolo qui est en pointe sur ce sujet: «Établir un plan de sortie de la publicité à la RTBF sur dix ans, à raison d’une diminution moyenne de 10% d’antenne dédié à la publicité par an».
Alors que les propositions de son programme sont très nombreuses, j’ai eu l’occasion de vérifier qu’au moins à deux débats publics au cours de cette campagne, cette proposition a été clairement revendiquée et détaillée par des candidats Écolo. Il serait donc logique qu’elle soit un point important débattu dans le prochaines négociations gouvernementales. 

Jusqu’il y a peu, le PTB abordait rarement ce thème. Durant cette campagne, il a affirmé ceci: «Le PTB est pour la suppression de la publicité à la RTBF. Le service public audiovisuel doit recevoir les moyens nécessaires pour remplir ses missions et être indépendant des grandes entreprises. Nous nous opposons à la publicité et à la logique de marchandisation».

Bien entendu, si l’on supprime la publicité à la RTBF, des questions légitimes surgissent. Voici quelques réponses à celles-ci: lire le point 8.

Rappelons enfin que Marc Moulin écrivait ceci, il y a déjà une dizaine d’années: «La RTBF, comme presque tous les services publics, est victime d’une libéralisation mal comprise et mal conçue. Aujourd’hui, on aperçoit enfin comment l’argent fait main basse sur les dernières sources de richesses qui ne lui appartenait pas encore (postes, chemins de fer, énergie, eau, etc…). La privatisation des services publics fonctionne sur le mode du pillage. Voilà pourquoi à la RTBF, 25% des ressources en publicité orientent 75% au moins des programmes (…). Qu’on aime ou non la publicité, on n’a jusqu’ici quasiment jamais évité qu’elle produise cette «logique» dévastatrice (...)».

À propos de l’évolution de nos médias, une des dernières décisions de la législature pose un épineux problème. Je vous conseille de lire cette carte blanche «L'aide à la création radiophonique vampirisée par le Ministre Marcourt» publiée par Le Vif.

2. Le prix est le premier obstacle

Une nouvelle enquête démontre que le facteur le plus important qui empêche les belges d’aller au musée, c’est leur prix.

Vive donc la «gratuité du premier dimanche du mois» ! Ce dimanche 2 juin, la fête de la gratuité se déroule à Woluwé-Saint-Pierre, à la Bibliotheca Wittockiana.

Parmi les 150 musées gratuits ce jour-là, certains vous gâtent en vous accueillant particulièrement bien. Voici ce qu’ils vous proposent en Wallonie et à Bruxelles.

La prochaine fête du premier dimanche, le 7 juillet, est déjà annoncée à Bastogne.

Pour les mois de juillet et août, si vous êtes en vacances, n’oubliez pas que les musées fédéraux à Bruxelles proposent une demi journée de gratuité mensuelle: le premier mercredi du mois, uniquement de 13H à 17H. Et que la plupart des musées de la ville d’Anvers sont gratuits chaque dernier mercredi du mois, durant toute la journée. 

Sur le site d’Arts & Publics, voici la liste des 150 musées belges gratuits chaque premier dimanche en Wallonie et à Bruxelles.

Une newsletter mensuelle spécifique vous met au courant des différentes nouveautés de cette gratuité du premier dimanche. Inscription: info@artsetpublics.be

3. Pour le prochain Parlement fédéral

Elles ont bien raison, les institutions scientifiques fédérales (dont les musées) de crier famine le plus souvent possible. En effet, elles sont de plus en plus asphyxiées économiquement.

Lorsque la N-VA a quitté la coalition et que la ministre Sophie Wilmès (MR) fut chargée des destinées de ces institutions, la presse unanime a repris leurs désidérata. Ceux-ci sont pourtant incomplets car ils ne proposent pas de solution aux problèmes que vivent au quotidien les usagers qui les fréquentent.
Heureusement, un communiqué détaillant les déboires de ces derniers et revendiquant la création d’un Code de bonne conduite en faveur des visiteurs à destination de l’ensemble des musées fédéraux fut diffusé par l’agence BELGA et largement médiatisé dans la presse écrite.

La campagne électorale de mai 2019 fut une nouvelle occasion pour relancer le SOS afin de tenter d’influencer le prochain gouvernement. Et la presse ne s’est pas fait prier. Je vous conseille le long article publié par L’Écho du 22 mai 2019.

Hélas, il ne reprend aucune des propositions «usagers». Aux nouveaux parlementaires, nous conseillons donc de relire ce texte diffusé par l’agence BELGA.

De plus, en mars 2019, la «Commission de l'économie et de la politique scientifique» de la Chambre s’est interrogée sur l’utilité de déplacer la journée de gratuité mensuelle des musées fédéraux au «premier dimanche du mois». Bien entendu, les directions de ces musées exsangues ont préféré maintenir le «premier mercredi» de 13H à 17H. Puisse le prochain Parlement fédéral réexaminer ce dossier (lire ici le point 8).

4. Vrais et faux directs TV, «Cordon sanitaire», etc. 

Globalement, les vrais directs tentent à être moins fréquents en télévision à cause des menaces terroristes de ces dernières années mais aussi par frilosité politique (pour éviter des voix discordantes qui s’imposeraient à l’antenne) et surtout pour des motifs économiques (enregistrer en journée et en semaine des émissions à paillettes programmées en week-end ou en soirée coûte moins cher notamment en frais de personnel). 

Pourtant, le direct est important car le public l’apprécie beaucoup et peut parfois être profondément marqué par sa diffusion (et même s’il s’agit d’une tromperie: un différé qui a l’allure d’un direct…).
Il existe un exemple magistral en Belgique. Pour les audiences concurrentes de la RTBF et RTL TVi, l’affaire dite Dutroux fut un terrain de choix sur ce thème: avoir en direct dans un débat les «familles» était un atout en terme d’audience, surtout en ce qui concerne les émissions politiques qui se concurrençaient le dimanche midi. 

Le jour de la Marche Blanche, RTL TVi a tout imaginé pour faire croire qu’elle avait l’exclusivité du débat dominical en direct avec les familles des enfants assassinés ou disparus, la RTBF devant se contenter d’un panel quasi analogue mais enregistré en radio à un autre moment et assez mal filmé. 
En fait, ce débat de la chaîne privée avait été enregistré en matinée, et pour faire croire qu’il s’agissait d’un direct, la diffusion était interrompue en plein milieu par un gros plan, lui en vrai direct, sur Pascal Vrébos, l’animateur qui, d’un geste de la main, laisse imaginer qu’il parle aux familles (qui, en fait ne sont plus là), et annonce brièvement une mini séquence (qui, elle, est en vrai direct) où une journaliste va décrire ce qui se passe, vers 12H30, sur le lieu même où commence la Marche Blanche, entourée de manifestants.
Dès cette intervention terminée, RTL TVi poursuit la diffusion du débat enregistré.
La preuve de ce traficotage médiatique existe car une équipe de Télé Bruxelles a réalisé un reportage sur le tournage de cette «exclusivité» de Pascal Vrébos, et on y voit un plan de la cabine technique avec une horloge qui indique l’heure réelle pendant laquelle ce débat fut enregistré. 
Jusqu’à cette journée de la Marche Blanche, la RTBF était leader pour ce type de débats. Après se sera moins le cas. À cause de ce faux débat en direct «historique» accordé par les familles à RTL TVi? La question mérite d’être posée. Tout cela tend à démontrer aussi l’importance tant pour les téléspectateurs que pour les directions des chaînes du «direct», réel ou simulé

Étudiant(e)s en recherche d’un thème original pour vos mémoires, l’Association des Téléspectateurs Actifs a souvent abordé ce thème des vrais-faux directs. Retrouvez les articles de son périodique sur ce thème dans ce glossaire (cherchez «Direct»).

Le direct peut signifier aussi une forme de liberté d’expression. Le remplacer par un léger différé constitue parfois une forme de censure. Deux exemples de l’actualité de ce mois de mai 2019 le prouvent. 

France2 a proposé en léger différé la 31ème remise de Molières, ce qui lui a permis de sucrer dans sa diffusion l’intervention sur scène des «intermittents du spectacle - gilets jaunes».

Par contre l’Eurovision de la chanson était en direct, ce qui permit à des représentants de l’Islande et des danseurs de Madonna d’arborer des drapeaux palestiniens.

Il peut aussi y avoir de petites tricheries entre ce que l’image montre et ce que l’animateur raconte! Le 25 mai 2019 sur TF1, «The Voice» (épisode 15) est présenté en très léger différé. L’expression «En direct» n’apparaît pas en incrustation à l’écran mais, dans l’un de ses commentaires, le présentateur Nikos Aliagas laisse imaginer au public qu’on est en direct. Le fait que les téléspectateurs peuvent voter complète cette illusion. 

Pour mettre fin à tous ces flous, il suffirait que les télévisions respectent le droit à être informé du public par l’adoption d’une mesure dont la mise en place leur coûterait zéro euro: comme elles le font déjà pour les vrais directs car cela leur est favorable, simplement prévoir des incrustations (de taille et de couleur identiques) dans un coin de l’écran avec les mots «En différé» chaque fois que ce n’est pas du vrai direct et durant toute la durée de leur déroulement. Mais l’audiovisuel se croit permis de surmédiatiser ses ingrédients valorisants et de cacher ses colorants! Légiférons à ce sujet au moins à un niveau européen. 

Enfin, l’actualité politique belge se teinte aussi d’un «direct interdit». Le «Cordon sanitaire» n’empêche pas d’interviewer un représentant d’un parti politique non démocratique, mais interdit de le faire en direct. Pourquoi?

5. Deux affiches qui trompent énormément?

Dans le métro bruxellois, de grandes affiches font la promotion des musées. Cependant, au cours de ces derniers mois, l’une d’entre-elles présentait une oeuvre qui n’était pas exposée, et une autre faisait la promotion d’un musée qui est fermé durant plusieurs années pour restauration. 

Faire pareille promotion des musées coûte, alors comment de telles erreurs sont-elles possibles?
Voici les résultats de l’enquête de La Ligue des usagers culturels.

6. Le musée Magritte: un faux musée depuis 10 ans déjà

Il y a 10 ans, le matin où le couple royal découvre ce faux musée qu'est le Museum Magritte Musée (il ne peut s’appeler simplement le Musée Magritte parce qu’il en existe déjà un qui porte ce nom à Bruxelles, celui qui est établi dans la maison de Jette où l’artiste habita), j’ai publié dans Le Soir une carte blanche qui me semble garder aujourd’hui sa pertinence.
J’y dénonçais cette arnaque culturelle dont la finalité consistait à plus ou moins tripler les rentrées financières exigées des visiteurs pour découvrir un patrimoine à peu près toujours le même aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB).

Cela reste toujours d'actualité. La presse traditionnelle continue de taire ce scandale économique (voici le texte).

Ce musée est l’un des symboles bruxellois d’une politique dite culturelle qui pense plutôt touristes qu’habitants. On ne niera pas le succès de celle-ci. Mais sera-t-elle éphémère? On constate que, discrètement, depuis quelques années, le service de presse préfère communiquer non plus sur le nombre de visites durant la dernière année écoulée… mais sur l’ensemble des visiteurs depuis l’inauguration.

Cette forte fréquentation mena même à la volonté d'interdire au public de dessiner ou de prendre des notes (sur des feuilles A4 précisait le nouveau règlement… et pourquoi pas des A3?), sans doute pour accélérer le flux dans ce musée plutôt étroit (l'espace n'avait pas été vraiment prévu pour pareille destinée touristique). La même règle était également applicable aux expositions temporaires des MRBAB.
Heureusement que l'hebdomadaire français Télérama a osé dénoncer cette mesure. Le lendemain, toute la presse belge (notamment une pleine page dans Le Soir), la RTBF et Télé-Bruxelles, silencieux jusque là, en firent des gorges chaudes, ce qui poussa ces MRBAB à revenir en arrière, concernant cette ignominie en terme d'éducation permanente.

7. Tout ce qui ne tourne pas rond au Musée royal de l’Armée

En 2016, le Musée royal de l’Armée de Bruxelles (MRA) abandonne sa gratuité quotidienne et son tarif affiche l’entrée à 5 euros.
Il a le choix, pour sa gratuité mensuelle, de choisir entre le premier dimanche ou le premier mercredi du mois: il opte pour la gratuité la moins respectueuse pour la population active, la seconde. 

En 2019, il double sa tarification. À cette occasion, je publie dans La Libre la carte blanche suivante.

Celle-ci aborde également d’autres problématiques.
Simultanément, j’envoie une plainte au service de médiation du musée, sur ces thématiques, pour connaître ses réactions officielles. 

Michel Jaupart, Directeur général a.i. du MRA, va me répondre par écrit. Bien entendu, nos divergences sont nombreuses mais je dois lui reconnaître au moins une qualité: par ses multiples réactions, il a accepté qu’un échange non superficiel s’établisse, ce qui est rare. 
J’en ai choisi les extraits qui me semblent les plus intenses et signifiants dans les points 8 à 12 suivants de cette newsletter. 

Si vous souhaitiez recevoir copie de l’intégrale de ces échanges, demandez-la moi à: bernard.hennebert@consoloisirs.be

D’autre part, juste avant les élections, un autre combat concernant le MRA a été gagné par des associations (Art & Héritance et le Comité Tervuren-Montgomery) qui veulent préserver et classer salles et collections.

Une carte blanche publiées par La Libre vous détaille bien davantage (et c’est passionnant) les enjeux de ce classement.

8. Le MRA a doublé le prix de son entrée

Michel Jaupart, Directeur général a.i. du Musée royal de l’Armée (MRA) et Bernard Hennebert, coordinateur de Consoloisirs, débattent (1ère partie/5). 

Bernard Hennebert: Voici la plainte principale qui est à l’origine de la «carte blanche» parue dans La Libre. Le prix de l’entrée du MRA, le 1er janvier 2019, n’a pas été ajusté en fonction de l’évolution du coût de la vie mais a augmenté de 100%: le billet plein est passé de 5 à 10 euros.

Michel Jaupart: La décision d’augmenter les tarifs du MRA a été prise par le Conseil d’Administration du War Heritage Institute et n’a pas été contestée par les autorités de tutelle, qu’elles soient politiques ou budgétaires.

Le nouveau tarif a été décidé à la suite d’une étude comparative approfondie réalisée par un membre de la direction. Il en ressortait que les anciens tarifs que nous pratiquions étaient trop bas.
Le nouveau prix s’aligne parfaitement sur le tarif moyen pratiqué par les autres musées bruxellois et, de plus, inclut l’entrée aux expositions temporaires.
Ce tarif est similaire à celui d’une sortie au cinéma, et est donc ajusté au coût de la vie. 

Bernard Hennebert: Ce n’est pas parce que le conseil d’administration de votre nouvelle structure (qui flirte avec un passage du public au privé) ou que vos autorités de tutelle ont autorisé la hausse de tarification de 2019 que celle-ci n’est pas regrettable d’un point de vue «visiteurs» car en contradiction complète avec les usages économiques en application dans notre pays, et d’autant plus que votre institution est largement subsidiée.

Il s’agit bel et bien d’une augmentation de 100% qui est abrupte et non d’une logique adaptation que nous n’aurions jamais contesté (nous ne sommes ni obtus, ni inconscient de la réalité) à l’évolution du coût de la vie, ce qu’est censée appliquer une institution autant financée par la collectivité que la vôtre. Vous ne représentez pas un musée privé sans subside comme le Musée Hergé de Louvain-la-Neuve que je sache. Et je n’ai jamais vu ce dernier doubler son prix d’entrée. 

Bien sûr, votre «étude» vous a montré qu’il existe des musées qui pratiquent des tarifs plus élevés que celui de votre institution. Si votre étude a été faite de façon sérieuse et est exhaustive, il me semble que vous oubliez de nous signaler qu’il y a bien davantage d’autres musées belges qui pratiquent des tarifs inférieurs au vôtre ou qui sont gratuits tous les jours. Chercheriez-vous à gagner la course au plus onéreux?

Pourrions-nous disposer d’une copie de l’intégralité de votre étude? Merci d’avance. 

Ce doublement de la tarification est très mauvais pour la population la moins aisée.
La directrice qui vous a précédé, Christine Van Everbroeck, déclarait le 18 décembre 2015 à La Libre, à propos de ce que vous appelez aujourd’hui, à peine deux ans plus tard, une tarification «trop basse»: «Il est vrai que nous avons fixé des prix très démocratiques, et ce dans le but de ne pas éloigner nos visiteurs». 

Il est toujours commode de prétexter une hausse vertigineuse d’une tarification pour promettre, en temps de vaches maigres des pouvoirs qui subsidient, plus de confort et davantage de respect pour le public.
Les institutions culturelles oublient souvent de mentionner le coût de leur bureaucratie ou celui de décisions malheureuses occasionnées par des querelles ou des prises de pouvoir internes. 

Inclure le prix de l’exposition temporaire dans le prix du ticket du fond permanent est une astuce anormale pour globalement faire payer davantage tout le public.

En effet, s’il est logique qu’une exposition temporaire ait un coût élevé pour sa mise en place (notamment avec des apports extérieurs au patrimoine même du musée) et que donc le public y contribue, par contre, le fond permanent devrait lui être accessible gratuitement ou le moins chèrement possible. 

L’histoire de nos musée belges indique que le ticket pour les fonds permanents d’un musée coûte effectivement le prix d’une sortie au cinéma. Mais cette réflexion ainsi présentée sans plus de détail est trompeuse. La vérité est qu’il y a plusieurs prix pour un ticket cinéma. Et certains musées sont passés d’un prix utilisé dans un ciné club ou un cinéma de quartier… à celui d’un grand complexe cinématographique commercial, ce qui ne nous semble pas normal pour ces institutions financées de façon très minoritaire (10%? 20%?) par l’apport des entrées payées par le public, le reste du budget étant essentiellement octroyé par la collectivité (ce qui n’est généralement pas le cas des salles de cinéma commerciales auxquelles vous vous référez).
Le beurre et l’argent du beurre! Vous voudriez appliquer les prix des tickets du privé… alors que vous êtes subsidiés! Mais cela mène d’une certaine façon à une forme de concurrence culturelle déloyale.
Un cinéma qui me semble correspondre plus ou moins à votre institution est Le Palace à Bruxelles, près de la Bourse. Son ticket est à 8,75 euros (et pas 10 euros), avec plein de réductions prévues: https://cinema-palace.be/fr/informations-pratiques

Michel Jaupart: Comme indiqué dans notre précédent courrier, l'augmentation des tarifs a été soigneusement étudiée afin qu'elle s'aligne au mieux sur les prix pratiqués par des musées de même envergure. 
Suite à l'étude réalisée par la direction du WHI, il en ressortait que les tarifs d'entrée du MRA n'étaient pas proportionnels à son offre remarquable et étaient très inférieurs à la moyenne des prix des institutions muséales similaires.
L'objectif de cette augmentation tarifaire est de créer des moyens supplémentaires pour améliorer l'offre muséale, rafraîchir certaines salles et renforcer la politique de communication de l'institution vers le public.

Ainsi, le nouveau tarif de 10 euros pratiqué par le Musée de l'Armée est identique à celui du Musée Art et Histoire et des Musées des Beaux-Arts pour les collections permanentes. De même, le Grand Curtius à Liège pratique un tarif comparable (9 euros). Quant au Musée Art et Histoire, son ticket combiné avec l'exposition temporaire s'élève à 20 euros et les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique demandent 14,50 € pour visiter l'exposition temporaire. Les expositions du MRA sont donc accessibles à tout public sans aucun surcoût.

La preuve en est que, contrairement à ce que vous alléguez, le grand public ne semble pas particulièrement affecté par cette augmentation tarifaire. Ainsi, la hausse des tarifs n'a pas entraîné de forte diminution de la fréquentation du public, comme vous le voyez dans le tableau ci-dessous.

Tableau comparatif de fréquentation du Musée royal de l'Armée du 1er trimestre 2018 et du 1er trimestre 2019:

  • Janvier 2018 (8.766 visiteurs) et Janvier 2019 (8.227 visiteurs);
  • Février 2018 (9.587 visiteurs) et Février 2019 (8.114 visiteurs);
  • Mars 2018 (9.762 visiteurs) et Mars 2019 (9.997 visiteurs).

Bernard Hennebert: En général, un musée augmente ses prix après avoir rafraîchi certaines salles (ce qui a un sens pour le visiteur heureux de découvrir les transformations). Le MRA pratique l’inverse (et on verra quand les travaux se feront… puisqu’aucune date concrète d’aboutissement des rénovation, n’est indiquée au public).

Vous écrivez que les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique demandent 14,50 € pour visiter l'exposition temporaire, oubliant d’indiquer que ce tarif donne droit aussi à visiter le fond permanent du Musée d’Art Ancien. 

L’analyse comparative des prix proposée par le MRA devrait être plus nuancée. Exemple: si le Grand Curtius à Liège pratique un tarif comparable (9 euros), c’est quand même 10% en moins, et surtout ce musée pratique la gratuité du premier dimanche du mois toute la journée alors que le MRA a opté pour la gratuité du premier mercredi du mois uniquement entre 13H et 17H (au mépris de la population active) et, d’autre part, le Grand Curtius est gratuit tous les jours pour les moins de 26 ans, alors que c’est uniquement pour les moins de 6 ans au MRA (avec une réduction à 3 euros pour les 6 - 26 ans). 

Aucun argument échangé ne me semble justifier un doublement de prix de l’entrée, d’autant plus que l’institution culturelle est fortement subsidiée. Il n’y aurait eu aucune remarque de ma part s’il y avait eu simplement une adaptation de la tarification à l’évolution du coût de la vie. Ce doublement me semble donc à dénoncer, ne fut-ce que pour tenter qu’il ne fasse pas d’émule. 

Enfin, je constate qu’au fil des réponses reçues ici, «l’étude comparative approfondie réalisée par un membre de la direction» est devenue «l'étude réalisée par la direction du WHI» mais aucune réponse n’a été donnée à ma question pourtant logique et utile dans ce débat contradictoire: «Pourrions-nous disposer d’une copie de l’intégralité de votre étude? Merci d’avance». Vive la transparence !

9. Le MRA n’affectionne pas la gratuité pour la jeunesse

Michel Jaupart, Directeur général a.i. du Musée royal de l’Armée (MRA) et Bernard Hennebert, coordinateur de Consoloisirs, débattent (2/5). 

Bernard Hennebert: Lorsqu’on détaille davantage la tarification 2019 de votre musée situé sur le plateau du Cinquantenaire, on constate, en ce qui concerne le jeune public, que la gratuité quotidienne n’est prévue que pour les enfants de moins de 6 ans alors que les jeunes de moins de 18 ans entrent gratuitement dans la majorité des autres musées fédéraux: Musée Magritte, Musée d’Art Ancien, Musée Fin de Siècle, Musée d’Art et d’Histoire, Musée des Instruments de Musique, etc.
Cette mesure bruxelloise n’a d’ailleurs rien d’extravagant puisqu’elle est bien en de ça de celle qui est pratiquée à Liège où tous les musées de la ville offrent la gratuité quotidienne aux moins de 26 ans. 

Michel Jaupart: Le tarif d’entrée appliqué aux jeunes est aligné sur celui d’autres musées bruxellois comme le Musée des Sciences naturelles (7 euros dès 4 ans pour l’accès à ses collections permanentes et expositions temporaires) ou encore Train World (9 euros pour les 6-17 ans). 

Bernard Hennebert: Votre réponse est exacte mais reconnaissez que les musées qui pratiquent des réductions ou gratuités pour les jeunes plus avantageuses que les vôtres sont beaucoup plus nombreux que ce que votre réponse à ce sujet ne laisse deviner.

Votre institution fait, d’une part, la course aux tarifs les plus élevés, et d’autre part, la course aux réductions pour jeunes parmi les plus limitées du secteur. Pour moi, ceci est un constat, pas un jugement de valeur. 
J’imagine que vous connaissez, par exemple, cette réduction originale pratiquée pour ses expositions par BOZAR: 2 euros tous les mercredis pour les moins 26 ans (et les demandeurs d’emploi)… Un exemple parmi tant d’autres qui pourrait vous faire réfléchir. 

En fait, on trouve toujours pire que soi. Mais cela ne justifie en rien sa propre politique. Et on jugera l’action de votre direction en fonction de l’imagination qu’elle mettra en branle pour tenter de construire une politique axée davantage sur la démocratisation de la culture.

À propos de gratuités, lorsque début 2016, le musée a abandonné sa gratuité quotidienne, il s’est choisi une «gratuité mensuelle pour tous».
Il avait le choix du jour et de l’horaire. Il a opté pour l’une des plus mauvaises, celle du «premier mercredi du mois» (une dizaine d’autres institutions pratiquent cette gratuité) alors que la gratuité «du premier dimanche du mois» est bien plus établie (plus de 150 musées belges et cette gratuité existe aussi dans plein d’autres pays).
Votre «premier mercredi» n’est pas une «gratuité pour tous» puisqu’il est inaccessible à plus de 50% de nos habitants, soit la population active (travailleurs et étudiants).
De plus, ce n’est pas une «gratuité pour les jeunes», puisque vous l’interdisez aux groupes scolaires, votre musée restant payant chaque premier mercredi du mois, de 10H à 13H. 

Michel Jaupart: Nous prônons une réduction tarifaire pour les personnes en difficulté et un ticket multisites ou abonnement pour les jeunes

La nouvelle politique tarifaire du War Heritage Institute tient compte des besoins de ses différents publics. Dès lors, pour permettre un accès au musée pour les personnes en difficulté financière, le Musée de l'Armée a établi un partenariat avec l'article 27 du côté francophone et Vakantieparticipatie du côté néerlandophone.

Quant aux jeunes, pour leur donner accès aux six sites du War Heritage Institute, qui couvrent les grandes périodes de notre histoire du XXème siècle, ils peuvent dorénavant acheter un ticket multisites à 15 euros, valable 1 an et cessible ou encore prendre un abonnement à 30 euros, valable 1 an sans restriction pour l'ensemble des sites du War Heritage Institute.

Bernard Hennebert: Il est dommage que le MRA ne commente pas mes arguments qui dénoncent sa nouvelle pratique, sa demi journée mensuelle de gratuité (le premier mercredi du mois après 13H). Il est vrai que tous les musées fédéraux qui programment cet avantage refusent tout débat contradictoire sur ce thème. Ce silence «y a rien à voir, circulez!» me semble malsain démocratiquement. 

10. Le MRA est-il dans l’illégalité?

Michel Jaupart, Directeur général a.i. du Musée royal de l’Armée (MRA) et Bernard Hennebert, coordinateur de Consoloisirs, débattent (3/5). 

Bernard Hennebert: Depuis janvier 2016, Le MRA interdit qu’on paie son entrée avec de l’argent liquide. Il faut impérativement recourir à une carte bancaire. Cette situation est totalement inédite dans le secteur des musées. 

En 2016, plusieurs doléances à ce sujet ont été adressées auprès du Service de coordination des plaintes du musée. Les réponses furent vagues, en langue de coton jusqu’à ce positionnement beaucoup plus précis, le 2 janvier 2017, du Lieutenant-Général (e.r.) Oger Pochet, Directeur a.i. MRA: «J’ai bien reçu votre plainte relative au seul mode de paiement actuellement disponible au musée pour l'achat de tickets d’entrée (…) Il est dans notre intention d'offrir à notre clientèle la possibilité d'un paiement en espèces.
Soucieux de la sécurité de notre personnel et de la tenue d'une comptabilité efficace et efficiente, nous envisageons l'acquisition d'un système automatisé (caisse automatique billets/monnaies) via la procédure d'un marché public.
Ce mode d'acquisition nécessite de nombreuses démarches administratives et du temps.
Etant soumis par ailleurs à l'avis de l'Inspecteur des Finances, un premier projet de marché en ce sens a été récemment interrompu en 2016, entre autres pour des raisons de prudence budgétaire. Ce projet de marché lui sera représenté dans le courant de ce mois (…)».

Depuis, rien n’a changé pour les visiteurs qui continuent d’être refoulés s’ils ne peuvent présenter une carte bancaire à l’entrée. Lors d’une de mes visites, le préposé à la caisse m’a confirmé un pourcentage de 15 à 20% des visiteurs à qui cette situation posait problème.

Et pourtant, on peut estimer que cette particularité de paiement soit illégale si on la compare à celle des distributeurs de billets de stationnement à Bruxelles exclusivement alimentés par carte de banque. Celle-ci fut assimilée à une pratique commerciale déloyale en 2016 par le SPF Economie. 

En haut lieu, la situation est connue. Une question parlementaire posée par Gautier Calomne (MR) début 2017 au ministre de la Défense n’a pas abouti non plus jusqu’à présent à une évolution concrète. 

Plutôt Kafka que le surréalisme! La bureaucratie atteint un sommet «historique» quand le visiteur découvre qu’à moins de quinze pas du guichet «argent liquide interdit», dans le vaste hall du musée, l’entrée d’une boutique… où tout peut s’acheter avec des pièces de monnaies ou des billets !

Michel Jaupart: Lors de la réponse formulée en 2016, le Musée royal de l’Armée, encore entité de la Défense, a effectivement entrepris une série de démarches pour tenter de régulariser le système de paiement et proposer aux visiteurs une alternative au paiement par carte. Ces démarches n’ont malheureusement pas pu aboutir, faute de moyens et de personnel. 

La récente mise en place des nouveaux tarifs permettra de dégager les fonds nécessaires à la réalisation de différents projets, dont celui de vendre des tickets en espèces. Avant sa mise en oeuvre, une étude sécuritaire et réglementaire approfondie est nécessaire. Nous devons sélectionner le personnel apte à relever les fonds, déterminer le lieu où stocker les fonds de caisse et régler bien d’autres aspects pratiques.

De plus, ce projet demande qu’une réelle réflexion soit menée en partenariat avec les différents services: comptabilité, accueil… Enfin, il nous faut également assurer un service tenant compte des tâches du personnel actuel déjà réduit afin de ne pas surcharger leur charge de travail.

Bernard Hennebert: Votre institution largement subsidiée, disposant d’un important personnel et d’une direction composée de pas mal de personnes, n’arrive pas à concrétiser en plus de deux ans cette petite chose qu’un fleuriste, qu’un tenancier d’un bistrot, qu’un pâtissier, que tous les musées sauf le vôtre, que tous les centres culturels… concrétisent en quelques jours. Cela ne vous pose pas question? 

Il ne faut pas de «réelle réflexion» comme vous l’écrivez (cette réflexion va durer combien d’années encore… c’est pratique pour éventuellement geler la situation) afin de découvrir qu’il est normal qu’à l’entrée d’un musée de pouvoir payer de plusieurs façons son ticket, dont en liquide. On comprend que votre institution ait de violents problèmes financiers à régler, et fasse payer ceux-ci au public en doublant sa tarification, si votre direction dresse une montagne quasi insurmontable d’un élément aussi réduit et géré bien plus facilement partout ailleurs dans notre pays.

Je constate que vous nous faites lanterner en évitant de nous indiquer une date précise où le problème sera résolu. Il me semble pourtant que c’est le job d’un directeur général de s’engager publiquement sur ce type de sujet.

Je n’ose imaginer que vous n’avez pas conscience que c’est un problème qui dure depuis plus de 700 jours ouvrables et que régulièrement des visiteurs ne peuvent pas entrer dans votre institution alors qu’ils ont fait le déplacement pour venir visiter «leur» patrimoine, et que, pour votre musée, c’est également dommageable, puisque ce sont des rentrées financières en moins, et une diminution du taux de fréquentation…

Michel Jaupart: La mise en place d'un système de paiement en espèces est en cours. La direction du War Heritage Institute est consciente que le paiement uniquement par carte bancaire peut gêner certains visiteurs.

Les plaintes sont néanmoins réduites car la majorité des habitants tant belges qu'étrangers utilisent des cartes bancaires. Cependant, le processus de mise en place d'un système de paiement en espèces a déjà démarré. Ainsi, début avril (2019), plusieurs firmes intéressées par un appel d'offres sont venues rencontrer les responsables de l'accueil des visiteurs. Un marché public sera ainsi lancé prochainement. La procédure peut néanmoins durer plusieurs mois, vu que le gouvernement est en prudence budgétaire, ce qui allonge le temps d’exécution.

Bernard Hennebert: Imprimer les tickets, multiplier le personnel pour les vendre et les contrôler, prévoir ces fameuses caisses enregistreuses… Mais combien tout cela coûte-t-il en énergie, en frais matériel et en prestations du personnel… Faire payer coûte. D’autant plus que les entrées payantes ne financent qu’une part minime du budget. Rarement, les musées évaluent ces frais quand ils débattent en public de gratuités et d’entrées payantes. 

11. Le MRA informe mal le public et ne s’en excuse pas

Michel Jaupart, Directeur général a.i. du Musée royal de l’Armée (MRA) et Bernard Hennebert, coordinateur de Consoloisirs, débattent (partie 4/5). 

Bernard Hennebert: On peut parler de désintérêt total pour les visiteurs, voire de mépris, lorsqu’on constate ce fait supplémentaire: depuis plus de deux ans, le MRA distribue sans vergogne un peu partout en Belgique son dépliant de présentation plutôt luxueux où les prix d’entrées sont clairement notés mais où ne figure pas l’indication qu’il est indispensable de se munir d’une carte bancaire pour pouvoir admirer ses armes, ses avions ou monter par ascenseur au sommet des Arcades du Cinquantenaire pour y découvrir l’un des plus beaux panorama de la capitale. 
 
Michel Jaupart: Le dépliant actuel du MRA renvoie à notre site web sur lequel il est explicitement mentionné que le paiement ne peut se faire que par carte bancaire.

Bernard Hennebert: Je note que votre direction ne profite pas de sa réponse à ma question pour s’excuser d’avoir omis d’indiquer dans son dépliant que le paiement ne peut se faire que par carte bancaire. 

Nous verrons si, lors de la réimpression de ce dépliant ou lors de la confection d’autres dépliants, vous continuerez à pratiquer ainsi. Si c’est le cas, ce ne sera plus une erreur humaine, mais, puisque vous êtes averti, une faute.

Tout ceci illustre un fait qu’on retrouve dans bien des institutions culturelles.
Au fil des dernières années, on y a souvent développé les budgets et le personnel pour le service de communication. Il existe généralement une équipe chargée de ce qui est créatif comme les visites guidées ou les ateliers pour jeunes.
Mais il manque dramatiquement au moins une personne en interne dont le job plein temps serait d’être attentif aux droits du public dans tout ce que l’institution met en place.

Je sais que cette fonction n’existe quasi nulle part, c’est bien pourquoi, après coup, quand les gaffes on été commises, on doit affecter du personnel et pas mal d’énergie au traitement des plaintes. Ce serait bien plus humaniste de structurer en interne le respect du public plutôt que de réparer les vaisselles ébréchées. 

Michel Jaupart: — (notre interlocuteur n’a pas réagi à ces arguments).

Bernard Hennebert: Michel Jaupart n’a pas répondu à ma réaction. Pourtant la deuxième partie de celle-ci me semble élever le débat et méritait une réflexion de sa part, si on veut faire évoluer la situation actuelle vers un plus grand respect des visiteurs. Décevant.

12. Le MRA minimise-t-il l’effet du prix de l’entrée sur les visiteurs?

Michel Jaupart, Directeur général a.i. du Musée royal de l’Armée (MRA) et Bernard Hennebert, coordinateur de Consoloisirs, débattent (partie 5/5). 

Michel Jaupart: Pour conclure, je voudrais ajouter que pratiquer des tarifs raisonnables et proportionnels aux services proposés est certes indispensable. Seulement, votre quête de la gratuité à tout prix peut se révéler une fausse bonne idée.

Comme en déduit une vaste étude réalisée en France de janvier à juin 2008 dans plusieurs musées, il en ressort que le prix n'est en fait pas le principal obstacle à la fréquentation culturelle.
L'éducation et les habitudes de comportement sont encore plus déterminantes. Ainsi pour pouvoir amener de nouveaux publics au musée, il faut être à même de leur proposer de nouvelles activités, de nouveaux services.
Or la gratuité engendre une diminution des ressources muséales servant à financer de tels services, elle limite également les moyens pour assurer une bonne conservation et une présentation agréable de ses collections.
Le public a donc tout à gagner à dépenser quelques euros de plus en échange d'une visite de meilleure qualité.

Bernard Hennebert: Manquez-vous d’arguments réels pour m’inventer cette attitude caricaturale que je ne cultive guère? Vous m’attribuez en effet une «quête de la gratuité à tout prix».

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Soyons bien clair: je ne confonds ni gratuités, ni réductions, ni pass payants inter-musées (à 50 euros, par exemple). Je pense qu’en plus de la tarification de base, ces trois avantages ont intérêt à coexister, tant pour les visiteurs que pour les directions des musées subsidiés.
D’autre part, votre «à tout prix» est contestable: vous savez sans doute que, depuis une quinzaine d’années, je ne milite que pour une «gratuité rare», soit pendant une journée seulement par mois, accessible à la plus grande part possible de la population (donc plutôt une journée du week-end qu’un mercredi).
Il ne faut pas me diaboliser de cette façon et ainsi laisser croire que je serais un utopiste irresponsable.
En tant qu’expert des droits des usagers culturels, je me dois aussi de signaler les reculs imposés à ceux-ci. Je n’ai donc pas applaudi au fait que votre institution, le MRA, ait abandonné, il y a peu, sa traditionnelle gratuité quotidienne!

Enfin, je me permets de vous indiquer que c’est bien le prix d’entrée des musées qui constitue le premier frein à leur fréquentation selon les avis de visiteurs (pour 41%) comme l’indique l’enquête réalisée récemment auprès de 2.000 belges par iVOX à la demande de MuseumPASSmusées. Viennent ensuite le manque d’information de l’offre muséale (35%) et la distance (25%).

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