Stevenson et la forêt ombreuse

Le beau monde

Par | Penseur libre |
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Photo © Thierry Quintrie Lamothe

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Lecture 6 min.

STEVENSON ET LA FORÊT OMBREUSE

Prologue - Poème - Epilogue écrits par Thierry Quintrie Lamothe

Prologue

Fortifié par son périple téméraire en canoë sur les remous furieux des canaux et des rivières du Nord où il manque mille fois de se noyer avec son ami Walter Simpson, Robert-Louis Stevenson marche à pied, cette fois, seul. Fini, les pensées noires. Adieu, les menaces d’hémorragie fatale ! Dur comme le granit de ses ancêtres, le voilà à l’air libre. Il a compris que la vraie vie se passe dehors. Comment un homme d’une santé aussi précaire manifeste-t-il un appétit de vivre aussi sauvage ?

Août 1876, le marcheur, aguerri, séjourne à Barbizon. Il veut rejoindre son ami suédois August Strindberg à Grez-sur-Loing. Les peintres de la forêt lui ont parlé aussi d’une artiste américaine Fanny Osbourne, authentique descendante du légendaire capitaine Cook. Il a décidé de suivre un chemin forestier utilisé par un bûcheron solitaire. Louis a besoin de cette parenthèse heureuse, insouciante, si simple, si naturelle. Sa santé est chancelante. Qu’importe ! « Je vais tout droit, dit-il, et où je dois aller est un précipice ». Avec une ardeur secrète dans le sang, le voilà prêt à découvrir les premiers âges du monde, là où rôdaient les créatures géantes et les monstres sans visage au fond des mers de sable.

C’est la fraîcheur de l’émerveillement qui va sauver le jeune conteur écossais et l’oubli de ses terreurs nocturnes. Respirer, quel miracle !

La forêt de Fontainebleau l’a « pythonisé » avec ses sortilèges et ses rochers grimaçants.

STEVENSON ET LA FORÊT OMBREUSE

Seul, enfoncé dans la forêt
Il marche, oubliant la souffrance
lumière crue de son enfance
évanouie avec ses secrets.

Un vent froid soulève le sable,
vieux vestige des temps anciens
où la mer bornait les confins
entre les grès nus et friables.

Il fuit la pluie drue et blafarde,
les fourmis grouillent sur les roches
et filent vers le rondin proche
dur comme le granit des phares.

Ses doigts serrent le tronc de l’arbre,
doigts impatients, ô doigts d’argile
avides et restés fragiles
sans voir s’incruster les échardes.

N’es-tu qu’un fantôme à ma porte,
qu’un feu follet flottant sans bruit,
que jeux de lune dans la nuit
ou reflet noir d’un astre mort ?

Partout soudain il l’aperçoit !
c’est toi Fanny qui vient de naître,
je crois toujours te reconnaître,
ce parfum, cette fleur... c’est toi !

Juste voir entre le feuillage
une petite mare fraîche,
pure et humble ainsi qu’une crèche.
Louis accourt du lointain rivage,

Le temps de déchiffrer le murmure secret,
lui laissant au passage
un souriant message
et de la voir s’enfuir au creux de la forêt.

Thierry Quintrie Lamothe
© Paris, novembre 2023

Epilogue

Fanny Osbourne et R.-L. Stevenson se marieront le 18 mai 1880 à Cisco, en Californie.

1) Écrits en 1876, « La Forêt aux Trésors » et « Le trésor de Franchard » ont inspiré mon poème.

La vie si courte de Stevenson est jalonnée, dès son plus jeune âge, d’une impressionnante production de romans, de nouvelles, d’articles, de correspondances, d’essais, de textes théoriques, de poésies, de merveilleux récits de voyage et même d’œuvres musicales.

La liste ci-dessous n’est pas exhaustive. Loin de là !

* Une apologie des oisifs (1877), bienfaits de l’oisiveté en tant qu’art de vivre.

* Voyage en canoë sur les rivières du Nord (1878), humour sarcastique et froid, grand intérêt de l’auteur pour les rivières, les arbres et les pêcheurs à la ligne.

* Voyage avec un âne dans les Cévennes (1879), beaucoup d’allure et de légèreté, le premier essai décrivant des sacs de couchage.

* Le Pavillon de la lande (1880), un étrange trafic au coeur d’une Écosse battue par les vents. Subtil mélange de mystère et d’humour dans cette nouvelle inoubliable.

* L’île au trésor (1883), une histoire de pirates et de trésor écrite à partir d’une carte pour faire plaisir à son jeune beau-fils, Lloyd Osbourne.

* Les Squatters de Silverado (1883) décrivant sa lune de miel dans une mine désaffectée.

* Le jardin poétique d’un enfant (1885), un délicieux petit livre, une merveille par le rendu si vif des impressions du jeune âge de l’enfance.

* L’Étrange cas du docteur Jekyll et de Mr Hyde (1886), histoire imaginée par Stevenson après avoir fait un cauchemar.

* Enlevé ! Les Aventures de David Balfour (1886), un solide roman historique qui a inspiré le dessin d’Hugo Pratt.

* Le Maître de Ballantrae (1889), puissant récit sur l’étranger qui est en nous, avec l’ultime confrontation des deux frères, au coeur d’une forêt sauvage.

* Les Gais Lurons (1889), sonate fantastique à propos de mer et de naufrages.

* Les chants du voyage (parution posthume en 1896). Il s’agit d’un recueil de poèmes de Stevenson sur ses voyages et l’aventure, quand certains de ses poèmes, comme

« The Vagabond », furent mis en musique par Ralph Vaughan Williams.

2) Modernité de R.-L. Stevenson

Des villes, des horizons, des pays ont vu passer l’écrivain et nourri son inspiration. Le poème « Stevenson et la Forêt ombreuse » s’appuie sur un bout (petit) d’un des chemins de randonnée développés par l’association « Robert-Louis Stevenson, de Barbizon à Grez-sur-Loing : info@stevenson-fontainebleau.fr et www.stevenson-fontainebleau.fr

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