L’Empire du silence : le procès de l’impunité

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Par | Penseur libre |
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Le grand mérite de Thierry Michel est d’avoir témoigné de près de 30 ans de guerres, massacres, crimes odieux, abandon des populations civiles dans l’est du Congo. On ne connait pas le nombre de victimes, oscillant entre 2, 4 ou 6 millions de personnes. Il s’indigne de l’incroyable impunité qui règne encore, aggravant les souffrances des victimes survivantes et le désespoir des populations congolaises.

Le scénario se veut une condamnation sans réserve de tous les acteurs politiques africains, tous coupables et des manquements gravissimes des Nations Unies, du Conseil de sécurité, de la Monusco, des instruments et organismes sensés devoir assurer les secours et la protection des gens.

Emergent alors la figure exceptionnelle du docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix, les larmes de la commissaire européenne Emma Bonino en charge des urgences humanitaires de l’U.E. ainsi que les paroles très sensées de deux femmes parlementaires européennes, dont la Belge Marie Aréna.

Soulignons cependant les limites d’un scénario qui présente les images des colonnes interminables de Rwandais hutus errant et mourant sur les pistes congolaises, pourchassés et attaqués par les forces armées rwandaises dirigées par Paul Kagame, sans expliquer que les camps de concentration de ces réfugiés étaient soutenus par la même Mme Bonino. Les civils hutus et majoritairement complices des génocidaires s’étaient massés à la frontière en 1994 et vivaient sous la contrainte des militaires et des milices interhamwes qui s’en servaient comme boucliers humains. Il aurait fallu dire dans le même temps que la toute grande majorité des réfugiés hutus, heureux d’être libérés de la tutelle des génocidaires lors de l’arrivée des troupes de Kagame, ont profité de cette ouverture des camps pour rentrer chez eux où ils commencèrent la très pénible coexistence avec les survivants du génocide soufrant des séquelles des massacres et de blessures inguérissables.

L’autre limite est d’avoir omis de faire état de toute la sollicitude et de l’entraide organisée par des bourgmestres et des associations de citoyennes et citoyens congolais pour partager le peu de moyens disponibles avec ces déplacés lors de leur marche forcée à travers le Congo. Le docteur Mukwege est l’un d’entre eux et elles.

Enfin, mais un film ne peut pas tout dire, derrière l’horreur des tueries, pillages, exactions commises par les milices, les chefs de guerre, certains hauts responsables politiques et militaires se profilent, ceux qui nous acheminent toutes les richesses dont regorgent les sols et sous-sols de l’est du Congo. Ce pillage se traite dans les enceintes feutrées de grandes multinationales, de firmes, de banques, fonds de pension, où, parfois, sont placées nos économies. Et à chaque fois que ces intérêts-là sont en jeu, il s’est toujours trouvé de bonnes raisons  pour justifier une intervention militaire.

En conclusion, allez voir ce film bouleversant et n’en sortez pas avec le sentiment que l’Afrique n’est qu’un ramassis de brutes et de sauvages. C’est le moment de vous rappeler les camps de la mort des nazis, le génocide des Juifs, le génocide des Arméniens et celui des Bosniaques, tout cela en Europe. Et que dire des deux bombes nucléaires larguées par les Etats-Unis contre les civils japonais d’Hiroshima et Nagasaki ainsi que les autres guerres abominables menées par les puissances coloniales.

Ce film doit nous rappeler de quelles barbaries et inhumanités les humains sont capables dès que l’Etat de droit est failli. Il nous signale de quel passif nous seront redevables aux yeux de l’histoire.

Merci à Thierry Michel et Christine Pireaux de tenter courageusement de nous y confronter.

Il est urgent de nous mobiliser pour réhabiliter une conscience universelle, celle de nos obligations envers cette partie de l’humanité dont les souffrances sont aggravées par l’impunité.

Pierre Galand

 

 

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