La der des ders

L’illusion que c’était la der des ders est bien vivace dans l’esprit humain. L’invention de la bombe atomique, rendant la guerre impossible, y a contribué. Pourtant la guerre se porte bien, merci. La dernière, précisément – sans compter celles qui continuent – vient d’avoir lieu en ex-URSS, une fois de plus. La glaciation communiste a suscité en fondant une instabilité dont l’un des ressorts est le mythe de la création de l’État-nation. En témoignent, outre le conflit russo-ukrainien, la guerre du Kosovo ou la guerre éclair qui vient d’avoir lieu dans ces montages qu’Azerbaïdjan et Arménie revendiquent.

Comme les Serbes pleurent à cause d’une bataille médiévale le Kosovo peuplé très majoritairement d’Albanais, les Azéris ne veulent pas d’une enclave arménienne dans un lieu qu’ils estiment fondateur, tandis que la Russie proclament l’importance de plusieurs villes ou régions ukrainiennes dans leur histoire à eux. Outre que le concept même d’État-nation aboutit au nettoyage ethnique, voire au génocide, les peuples se construisent en pays plutôt par hasard et selon la loi du plus fort, tout en cherchant dans une mythologie parfois complètement inventée des racines éternelles qui les prédestinaient à devenir ce qu’ils sont à présent.

En réalité, tout le drame naît d’une seule cause: l’existence des frontières. Très peu nombreux dans un monde à conquérir, les hommes y ont mis des centaines de milliers d’années – une récente découverte archéologique démontre qu’avant même l’arrivée de l’espèce sapiens, les hominidés étaient capables de construire des pontons en bois en articulant parfaitement les poutres. C’était il y a 470.000 ans. Mais la mesure du monde connu, mobile au départ, est passée de la famille au groupe, puis au village, à la ville, aux petits territoires puis enfin aux royaumes et empires dont certains devenaient beaucoup plus grand. Comme si aujourd’hui, l’espèce n’arrivait pas à comprendre qu’elle est une, malgré son évidente aspiration à y arriver. Les empires très grands s’émiettent, les frontières se figent et finalement, en dernier recours, que fait-on? La guerre, qu’il est tellement honteux de déclencher qu’on l’appelle opération militaire spéciale pour éviter de dire qu’on la fait.