semaine 48

Les médias face au délabrement climatique

Edito par Jean Rebuffat

Capture d'écran du site francetvinfo

Les forêts brûlent, les pluies dévastent, la sécheresse craquelle les maisons et menace les récoltes: aujourd’hui, le dérèglement climatique est évident (on devrait d’ailleurs parler du délabrement climatique) et la multiplication des événements extrêmes, même dans les pays riches et puissants, fait la une des journaux.

C’est dans cet esprit qu’il faut considérer un appel lancé par des collègues journalistes spécialisés dans la couverture de cette évidente menace. Selon eux, le lien n’est pas assez clairement souligné entre ces catastrophes, prises d’une certaine façon comme des faits isolés, et la responsabilité humaine dans leur déclenchement.

Sur le fond bien sûr on a raison de le dire, de le souligner et de le répéter. Reste à savoir trois choses. Un, la prise de conscience – bien tardive – de l’opinion publique n’est-elle pas aussi avérée ? Deux, la loi journalistique du chien et de la jeune fille (façon belge) ou du chien et de l’évêque (façon française), qui fait qu’un événement insolite intéresse l’opinion (donc jamais le chien qui mord la jeune fille ou l’évêque mais l’inverse, si, au contraire), incite par l’ampleur des événements encore perçus comme exceptionnels et anormaux les médias à beaucoup en parler, mais que se passera-t-il quand tout cela sera tellement banalisé qu’aux yeux de beaucoup, ce sera sans intérêt? Trois, la culpabilisation du citoyen lambda, face à une certaine impunité dont bénéficie les plus puissants et les plus riches, n’est probablement pas la bonne manière de faire avancer les choses. La faute a été collective, générationnelle et structurelle, poussée certes par l’égoïsme individuel mais aussi par un système économique injuste et suicidaire. Le syndrome Nimby (not in my backyard, pas dans mon jardin) a encore de beaux jours devant lui (et surtout, bien des mauvais…) quand on constate avec stupeur la réaction indignée que suscite l’idée de diminuer la vitesse maximale sur les routes et autoroutes. Deux présidents de parti aussi antagonistes que Paul Magnette et Georges-Louis Bouchez, en Belgique, ne s’accordent spontanément que sur ce point. En France, les fameux 80 km/h du premier épisode macronien ont été allègrement contournés par des exceptions aussi nombreuses que les incendies de forêt en Gironde.

Les médias, certes, comprennent dans leurs rôles une partie de la solution. Pendant des décennies, ils ont souvent donné l’alerte dans le vide. Car il ne suffit pas de parler pour être entendu, et encore moins, pour être écouté. L’abus de la pression médiatique provoque en outre souvent une irritation ou un énervement, voire pire, une perte de confiance en eux. Il ne faudrait pas aggraver cette perte-là, qui fait le jeux des salauds et des crétins, depuis les complotistes jusqu’aux totalitaristes, en voulant bien faire. Convaincre tout le monde est un leurre. Le créationnisme et le terre-platisme vont bien, merci, et déjà le climato-scepticisme gagne des adeptes par réaction épidermique.

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