Mes frères de Dakar
Le 20 février 2022
Pour clore ce temps des chroniques depuis Sénégal, un poème écrit lors de mon retour à Bruxelles.
Merci de m'avoir lu avant de se retrouver pour d'autres pages...
Mes frères de Dakar
A chaque heure comme au zénith le soleil
Brûle chauffe chaque part de ta chair sombre
Tu pars et tu glisses dolent comme une ombre
Sur ta rouge terre de sable et de merveilles
Qui es-tu que vis-tu toi mon frère en galère
Qui es-tu frère Sarr né du pays sérère
Chauffeur fier d’un taxi jaune et noir hors de l’âge
Ou d’un char clando comme un fou de passage
Vas-tu courir au bord de la Voie du Nord
Au tournant Jamalaye ou encore vers Ngor
Vendre au passant des arachides et des noix
Et puis des blancs mouchoirs des masques un miroir
Ainsi que l’alouette et rempli de l’espoir
De trouver fortune sinon demain la foi
Qui est tu mon frère sur ta belle pirogue
Qui es-tu mon frère toi qui navigue et vogue
Lébou né du Cap Vert par ton père et ta mère
Tu les quittes dément pour l’Europe chimère
Ou sont les bonites les thiofs les espadons
Levés dans tes filets tes rets comme des dons
Que sais-tu de l’accueil de ta vie si dure
Le rejet qui sait parfois la mort et l’injure
Qui es-tu mon frère Peul du Ferlo Poular
Toi qui te perds t’use et te tue dans Dakar
Au risque chaque jour de ton corps de ta peau
Qui es-tu mon frère que devient le troupeau
Tu cours ici et là pour du riz ou du Mil
Le mirage d’Auchan Orange le sans fil
Loin du pré vert séché devenu minéral
Te voilà en ville le bêton vertical
Qui es-tu toi Sow Seck Sock Diagne ou Diomé
Ahmed et vous Abdou Abdoulaye et Damé
Qui es-tu mon frère toi Le beau grand Wolof
Géer devenu col blanc noble né du Djolof
Croire jour après jour au Sénégal naissant
Et croire chaque année à l’étoile au printemps
Serais-tu cuisinier à Cité Asecna
Ebéniste artisan roi de la Médina
Mécanicien expert prince du possible
Tu soudes tu retapes un charroi indicible
Es-tu le conducteur du si beau et neuf train
Liant l’aéroport Dakar et puis plus loin
Dakar capitale toi qui grandis si vite
Dakar sur le Cap vert toi qui enfle trop vite
Dakar regarde mieux comme le monde souffre
Regarde fils et filles tout au bord du gouffre
C’est ainsi que les hommes et les femmes vivent
Et leurs espoirs souvent trop vains n’y survivent
Dakar toi qui fait comme de rien des trop riches
Vois aussi ceux de rien dont les riches se fichent
Sénégalais j’aime te voir sourire
Sénégalaise j’aime te voir rire
Sénégal j’aime te voir danser
Sénégal j’aime te voir espérer
Sénégal j’aime ta noire beauté
Vous mes frères libres et gais
Que la lumière brille demain
Comme l’amour pour les humains

Photo © Jean-Frédéric hanssens