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Le 23 avril 2021
Lundi. Avec le délestage électrique de mon quartier d’en bas, je me suis trouvé hors-circuit de l’actualité politique. Au point que ce lundi fatidique, sans crédits, sans-le-sou, sans mobilité, je n’ai pas pu joindre mon patron ex-ministre. Ce jour-là j’ai résolu de tuer le temps à notre nganda-bar du quartier. Là-bas au nganda, n’est-ce pas, « tout est négociable, avec ou sans » comme dit le gérant du bar…
Mais quelle n’a été ma surprise, en arrivant au nganda-bar, de voir mes copains ambianceurs agglutinés autour d’un poste de radio, et dans un chahut indescriptible. C’était l’annonce du nouveau gouvernement. Enfin ! Et à chaque fois qu’un de nos copains croyait avoir reconnu un nom de ministre plus ou moins proche, plus ou moins cousin « sang-pour-sang », c’était l’euphorie générale. Au point qu’avec tout ce chahut, au point qu’arrivé en retard et en plein milieu de l’annonce, je n’ai suivi qu’une partie de l’annonce gouvernementale. L’on devine mon désarroi par rapport à la situation de mon ex-ministre…
Mardi. Réflexe de vieux briscard du quartier et de la politique, j’ai décidé d’aller vérifier sur place à la résidence ministérielle l’état de la question, au lendemain de la fameuse annonce. D’autant plus qu’entretemps, des rumeurs folles avaient couru faisant état, dans un premier temps, de l’omission du nom de mon patron ; dans un deuxième temps de sa réhabilitation mais à un grade et à un poste insignifiant ; et dans un troisième temps à un grade plus ou moins acceptable…
Même au lendemain de la fameuse annonce, tout un kilomètre à la ronde dans le quartier de mon ex-ministre vibrait encore du tapage des vuvuzelas et des effluves sonores d’une fête prolongée. J’ai compris ainsi, en atteignant la résidence de mon patron, que l’histoire s’était accélérée.
Mais, surprise, malgré tout le raffut au-dedans et au dehors de la résidence de mon patron, le portail d’entrée était barricadé ; et, devant le portail, un nouveau gardien en poste. Ce dernier m’a refusé l’entrée. J’ai eu beau décliner mon identité de chauffeur-Première-Classe-Ancienneté-20 ans-Coté Elite, au service de Son Excellence, pas question ! J’ai alors demandé les nouvelles du garde du corps, de la bonne, du jardinier, du lavandier, du médecin de la famille : tous auraient été « remerciés » ce mardi matin par Madame la patronne, après l’annonce du remaniement. A moi, par exemple, cette dernière aurait reproché des griefs suivants : primo, abandon de poste à un moment délicat de la carrière de son mari d’ex-ministre en congé technique ; secundo, manque de loyauté ; tertio, chauffeur complice des incartades du mari de ministre et confident complaisant.
J’apprendrai enfin que non seulement mon patron aurait été maintenu, mais qu’il serait monté en grade comme « Ministre d’Etat en charge des Questions Tactiques et Statistiques » ( et non plus en charge des Affaires Stratégiques et Tactiques).
Mercredi. J’apprendrai le mercredi matin qu’un nouveau chauffeur aurait été engagé dès lundi : un frère « sang-pour-sang » de l’oncle de l’amie de la demi-sœur de la nouvelle bonne de Madame la patronne. J’apprendrai également bien plus tard dans la soirée de mercredi que Son Excellence aurait révoqué ce nouveau chauffeur-oncle-de-l’amie-de-la-demi-sœur-de-la-bonne-de-la-patronne. Dès la première course, mardi, ce chauffeur aurait fait un accident grave. Voiture officielle cabossée.
Ah ! Les voies du Seigneur sont impénétrables ! J’invoque à présent ce Dieu des chômeurs pour ma réhabilitation…

Les embûches de la circulation pour un chauffeur sans ministre. Photo © Véronique Vercheval.