Alain, hors d’atteinte
Et toujours rattrapé
Évite de se voir
Dans le tain du miroir
Où règne son vieux moi
Jeu de cubes mal ajustés
Dans le décor espéré
D’une terre mieux jardinée
Le fleuve court vers sa brume
Il s’ouvre aux profondeurs
Il fend la buée blanche
En ligne bien tracée
Depuis son commencement
Alain s’endort assis
Dans une vieille paresse
L’œil vide
Les bras tombants
Il est deux endroits
Au même moment
Il est deux moments
Du même endroit
Louise regarde la rue
Une porte grince
Des gens chuchotent
Un coup de sifflet sec
Du verre cassé
Une forme apparaît
Un pied dans l’ombre
La tête levée vers la fenêtre
L’œil luisant
Au sol
Comme un dessin
Une poignée de cailloux
Par combien de matins naissants
Alain a suivi les rails du tram
Les mains derrière le dos
Seul
Avec, sur les épaules,
Le poids de tous les malheurs
Et de quelques nuages
Louise, paupières closes,
Mange les miettes
Oubliées sur la table
On sonne
Elle entend Alain
Qui se mouche
Qui cogne et qui crie
Louise veut juste dormir
Comme on dort dans l’herbe fraîche
Au printemps
Loin des peurs inventées
Le fleuve roule vers sa brume
Il s’ouvre aux profondeurs
Dans un éblouissement
Il sait
Le meilleur est devant
Dans l’aventure des vagues