L'asile
Une édition originale par Thierry Robberecht, le 13 août 2022

© Serge Goldwicht
Je suis fou puisque les médecins le disent. Ils m’ont posé des questions qu’on ne pose qu’aux fous et à chacune de mes réponses, ils ont froncé les sourcils comme si c’était grave. Moi qui ne fais confiance à persone, j’ai fait confiance aux médecins. Je suis fou puisqu’ils le disent. C’est vrai qu’il y a tellement de monde dans ma tête que des gens s’enfuient par mes oreilles. On m’a conduit à l’asile où j’ai vécu dix ans avec Claus qui chuchote parce qu’il sait que les chaises l’écoutent et avec Margareth, nonante ans, qui n’a jamais connu ni le sexe ni l’amour mais qui, tous les jours brode sa robe de mariée.
Après dix ans à l’asile on m’a posé d’autres questions auxquelles j’ai répondu du mieux que j’ai pu. Les médecins n’ont plus froncé les sourcils mais ont hoché la tête. Ils ont finalement déclaré que je n’étais plus fou. J’ai fait confiance comme toujours et je suis sorti de l’asile. Dans la rue, j’ai pris peur. Plus de gens que n’a jamais contenu ma tête et qui courent en tous sens après l’argent. Le système est si bien fait qu’il manque toujours de l’argent aux pauvres. Et les riches n’en ont jamais assez. On m’a également annoncé qu’il y avait la guerre. Loin ?
- Partout ! Le monde est une compétition. Les humains se dénigrent et s’envient. Il y a même des racistes et des antisémites !
Quel horrible monde ! Autour de moi, les gens s’affairent avec sérieux et courent en tous sens. J’ai tellement peur que je décide de rentrer à l’asile. A l’entrée, le gardien fut stupéfait : « Vous voulez rentrer dans l’établissement sans ordre ni du médecin ni du juge ? Vous êtes fou ! »
- Ben oui.
A l’intérieur, je n’ai rien compris aux chuchotements de Claus qui se méfie des chaises mais dans sa robe de mariée, le visage plus ridé qu’une vieille pomme, Margareth est presque belle.
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