semaine 22
Portrait de Lucie Cauwe
Le blog de Lucie Cauwe

Acquittement pour quatre hébergeurs de migrants.

Le 12 décembre 2018

Les hébergeurs et hébergeuses Zakia, Walid, Anouk et Myriam sont acquittés. Les migrants sont condamnés à des peines allant de 12 mois à 40 mois d’emprisonnement, avec sursis pour la durée excédant la détention préventive, et à des amendes allant de 40.000 à 360.000 €, avec un sursis au-delà de 20.000 euros. Ils ne doivent donc pas aller en prison, excepté Thomas Ibra, condamné à trois ans de prison ferme et absent, dont l'arrestation immédiate a été ordonnée à la fin de l’audience.

Les quatre hébergeurs belges sont donc acquittés et les huit migrants étrangers condamnés pour trafic d'êtres humains et association de malfaiteurs. Un d’entre eux était absent car expulsé vers l’Allemagne par l’Office des étrangers.

La matinée avait mal commencé. Vers 9 heures, à l’entrée de la salle d’audience de la 47e chambre du tribunal correctionnel, un bouchon. La police prend les noms et les téléphones de tous ceux, inculpés, public et presse, qui viennent assister au prononcé du jugement du procès dit des hébergeurs. « C'est anticonstitutionnel », clame l'avocat Alexis Deswaef qui s’étonne de la mesure prise, on ne sait par qui, pour le prononcé du jugement alors que les audiences précédentes, celles des plaidoiries, avaient été, normalement, à entrée libre. A qui allait être remise cette liste de noms ?

La soixantaine de personnes venues à l'appel de "Solidarity is not a crime » attendent debout dans le couloir pendant que des avocats discutent avec le procureur. De loin, on voit la salle d'audience où circulent de nombreux policiers et policières ainsi que du personnel de sécurité.

9h20. On attend toujours. Les pourparlers à propos du fichage et de la confiscation temporaire des téléphones portables sont toujours en cours.

9h40. Les trois avocats reviennent. Ils ont appris que les mesures de sécurité sont voulues par le Palais de justice lui-même et non par le procureur. Un compromis est trouvé : ceux qui veulent entrer dans la salle doivent donner un document d'identité mais ils peuvent conserver leurs téléphones et la liste des noms sera déchirée s'il n'y a pas d'incidents, foi de Madame le procureur.

10 heures. L'enregistrement des personnes est toujours en cours.

10h30. La séance commence. Tout le monde se lève. Se rassied. Silence. Le dernier prévenu arrive. Il en manque un, déjà expulsé en Allemagne par l'Office des étrangers.

L’avocat Vincent Lurquin prend la parole à propos des droits de la défense et demande que soit acté le fait que des personnes ont été fichées pour entrer. La présidente répond que cela se fait régulièrement et que la liste sera déchirée à la fin. Cette nouvelle perte de temps lui est désagréable. L’avocat répète sa demande, les prononcés étant publics. Madame le procureur explique : « On n’a rien à voir avec ça ».

10h30. La présidente entame la lecture du jugement. Sans micro. La salle est pleine et silencieuse excepté les interprètes des prévenus. Mais sur les bancs, on n'entend pas bien ce qu’elle dit. Chacun des douze cas est examiné successivement.

11h02. Changement d'équipe policière. Quatre entrent, quatre sortent. La lecture détaillée se poursuit. Curieuse litanie, proche de la mélopée où reviennent des mots, parkings, camions, port de Gand, Royaume-Uni, caractère habituel, audition, enquête, procès verbal, téléphone, sms,.. où reviennent des noms, Mohamed, Abdelrhaman, Abdelkader. Comme un doux ronronnement où se répètent les préventions contre chaque prévenu successivement. Il fait chaud. Le ton monocorde de la présidente de la 47e chambre et la longueur du texte qu’elle lit anesthésient un peu.

11h33. L'assistance perd quelques personnes. On continue à écouter mais les paupières commencent à peser On entend « pas d'intention d'en retirer un avantage », « association de malfaiteurs et non organisation criminelle », « passeur pour payer son propre voyage et non par profit personnel », « rien n'établit la prévention, sera donc acquitté » « si le tribunal peut entendre la détresse, il ne peut tolérer que par exemple la vie d'un mineur soit mise en danger ». Le cas de chaque prévenu est détaillé et assorti de ce que la justice accepte à son sujet et de ce qu’elle n’accepte pas.

12 heures. Les acquittements sont prononcés, comme les peines d'emprisonnement et les peines d'amende. La procureur du roi demande l’arrestation immédiate de Thomas Idra, absent. Le tribunal ordonne son arrestation immédiate.

12h09. La salle d’audience se vide, la liste des présences est déchirée.

Restent les questions. Pourquoi cette différence entre Belges et étrangers ? Pourquoi cette tentative de criminaliser le procès en s’en prenant au public venu exercer son droit défini par la constitution, assister librement au prononcé d’un jugement ? Pour qui tout cela ?

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Photo d'archive © Catarina Letor

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