Le climat dans le champ de tir
Les indignés par Eux, le 18 octobre 2023

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Transnational Institute, Stop Wapenhandel et Tipping Point North South publient une nouvelle étude, en complément de celle déjà publiée au printemps dernier (traduite et diffusée par le GRIP). Selon cette nouvelle étude, les 2% du PIB visés par l’OTAN en matière de dépenses militaires détourneraient, d’ici à 2028, 2,6 trillions de dollars des ressources devant être consacrées au financement de la lutte pour le climat.
L'objectif de l'OTAN de consacrer 2 % du PIB aux dépenses militaires accélérera la dégradation du climat en détournant des millions de dollars du financement de la lutte contre le changement climatique et en augmentant les émissions de gaz à effet de serre, conclut un nouveau rapport qui appelle d'urgence à un « dividende climatique » calqué sur « dividende de la paix » obtenu avec la fin de la Guerre froide.
Le rapport intitulé « Le climat dans le champ de tir » (Climate Crossfire), produit par l'organisation internationale de recherche Transnational Institute, en collaboration avec Stop Wapenhandel (Pays-Bas) et Tipping Point North South (Royaume-Uni) se livre à une estimation des implications financières probables ainsi que l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre qui auxquelles nous assisterions si tous les membres de l'OTAN respectaient leur engagement d'augmenter les dépenses militaires à 2 % minimum de leur PIB.
Le rapport fait les constats suivants :
● Les dépenses militaires de l'OTAN cette année – 1,26 trillion USD – auraient permis de financer pendant 12 ans les 100 milliards USD par an promis pour le financement de la lutte contre le changement climatique.
● Si tous les membres de l'OTAN atteignent ces 2 %, ils détourneront des dépenses climatiques un montant supplémentaire estimé à 2,57 billions USD d'ici à 2028, somme qui suffirait à financer les coûts d'adaptation au climat de tous les pays à revenu faible ou intermédiaire pendant sept ans.
● L'empreinte carbone militaire estimée de l'OTAN cette année – 205 millions de tCO2e – est comparable aux émissions annuelles totales de gaz à effet de serre de nombreux pays. Si les armées de l'OTAN formaient un seul pays, celui-ci se classerait 40e plus grand émetteur mondial de gaz à effet de serre.
● Si tous les membres de l'OTAN consacrent désormais 2 % de leur PIB aux dépenses militaires, on estime à 467 millions de tonnes supplémentaires les émissions de gaz à effet de serre.
● Les membres de l'OTAN exportent des armes vers 39 des 40 pays les plus vulnérables au changement climatique, alimentant ainsi les conflits et la répression à un moment où menace déjà le danger de l'effondrement du climat.
Les objectifs de dépenses de l'OTAN ont sans aucun doute pris de l'ampleur à la suite de l'invasion illégale à grande échelle de l'Ukraine par la Russie. Toutefois, avant même d’atteindre ces 2 %, l'OTAN aura dépensé en 2021 plus de 16 fois plus que la Russie et ses alliés de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC : Arménie, Belarus, Kazakhstan, Kirghizistan, Russie et Tadjikistan). La Russie a augmenté ses dépenses militaires jusqu’à atteindre 102 milliards USD en 2023, mais cela représente toujours moins d'un douzième des dépenses collectives de l'OTAN, qui s'élèvent à 1,26 trillion USD.
Le plus grand danger de cet objectif de l'OTAN en matière de dépenses militaires (2 %) est qu'ils encouragent une course aux armements à l'échelle mondiale. En 2022, les dépenses militaires mondiales ont atteint le niveau record de 2,24 billions USD. Notre rapport de l'année dernière, Climate Collateral, (Le climat, victime collatérale des dépenses militaires) a révélé que les nations les plus riches (connues comme « pays de l'annexe 2 » dans les négociations des Nations unies sur le climat) dépensent 30 fois plus pour les dépenses militaires que pour le financement de la lutte contre le changement climatique.
Nnimmo Bassey, ancien président des Amis de la Terre International et directeur de la Health of Mother Earth Foundation, Nigeria, déclare dans un avant-propos au rapport :
« Les guerres tuent des gens, anéantissent la biodiversité et détruisent les infrastructures qui pourraient fournir des garanties face à des événements climatiques extrêmes. La guerre est un acte de déni du climat ».
Nick Buxton, du Transnational Institute, co-auteur du rapport, explique :
« Ce rapport montre que le climat est tragiquement devenu la dernière victime en date des tirs croisés de la guerre. Le temps presse pour faire face à la crise climatique, mais les dirigeants politiques du monde entier préfèrent s'armer jusqu'aux dents plutôt que d'accorder la priorité à l'action climatique. Les objectifs de dépenses minimales de 2 % de l'OTAN jettent de l'huile sur le feu en détournant des ressources indispensables et en augmentant les émissions de gaz à effet de serre. Nous devons de toute urgence désamorcer les tensions et trouver des solutions pacifiques aux conflits si nous voulons défendre notre planète. Il n'y a pas de nation sûre sur une planète en danger ».
Contact : Nick Buxton | +1 530 902 3772 | nick@tni.org | @nickbuxton
Les co-auteurs du rapport, le Dr Ho-Chih Lin et Deborah Burton de Tipping Point North South, déclarent :
« Les militaires aiment se présenter aujourd'hui comme des acteurs positifs en matière de climat, mais ils ont été les plus grands utilisateurs institutionnels de combustibles fossiles. Les avions de combat sans pétrole ou les chars électriques n'existent pas et il n'y a rien de réaliste à l'horizon qui permette de réduire de manière significative l'empreinte carbone de l'armée. Pas de notre vivant et certainement pas d'ici 2050. La dure réalité à laquelle sont confrontés les politiciens est que pour rendre l'armée plus écologique, nous devons réduire les dépenses militaires de manière significative, ce qui nécessitera une nouvelle approche de la sécurité, une approche investie dans la diplomatie, la paix et la résilience climatique plutôt que dans la guerre ».
Contact : Deborah Burton | +44 7779 203455 | deborah@tippingpointnorthsouth.org
Wendela de Vries, chercheuse à StopWapenhandel, la campagne néerlandaise contre le commerce des armes, déclare : « Des budgets militaires élevés entraînent une augmentation des émissions, ce qui ne rend pas le monde plus sûr. Le grand gagnant est l'industrie de l'armement, dont les profits montent en flèche. Alors que la planète atteint un point de basculement climatique, il est insensé que nous investissions pour rendre les marchands d'armes encore plus riches, plutôt que de protéger ceux dont les vies sont dévastées par le dérèglement climatique ».
Contact : Wendela de Vries | +31 (0) 6 506 522 06 | w.de.vries@stopwapenhandel.org | @CTWnl
Notes
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Seul le résumé exécutif (disponible sur www.grip.org) du rapport a été traduit en français, par le GRIP désireux d’en soutenir la diffusion. Le rapport complet est disponible à l'adresse suivante : https://www.tni.org/climatecrossfire. Le résumé est également disponible dans six langues.
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Le total des dépenses militaires mondiales a augmenté de 3,7 % en termes réels en 2022, pour atteindre un nouveau record de 2240 milliards USD. https://www.sipri.org/media/press-release/2023/world-military-expenditure-reaches-new-record-high-european-spending-surges
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Deborah Burton, de Tipping Point North South, a participé à la COP27 et s'est exprimée lors d'un événement parallèle à la CCNUCC, intitulé « Dealing with military and conflict related emissions under the UNFCCC" (Traiter les émissions causées par l'armée et les conflits dans le cadre de la CCNUCC), le 9 novembre 2022. Elle espère participer à la COP28 aux Émirats arabes unis.
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