Le ressort caché du polar

Les amateurs de polars scandinaves connaissent le nom de Ragnar Jónasson mais à part les spécialistes pointus d'un autre domaine, qui sait qui est Katrín Jakobsdóttir, qui cosigne avec lui Reykjavík, énorme succès de librairie en Islande? Dans ce paisible pays où les volcans sont plus nombreux que les criminels ou que les auteurs de polar, on imagine mal de machiavéliques tueurs en série, des gangsters chatouilleux de la mitraillette ou des poursuites de bagnoles à l'américaine. Il faut donc être parcimonieux avec les cadavres et les actions sont lentes mais tellement bien scénarisées que cela donne de bons livres, comme celui-ci, avec en outre une description de la vie quotidienne islandaise à travers deux tiers de siècle qui ravira les amoureux de ce pays (j'en suis) et qui répondra à la question existentielle de qui se demande comment on peut vivre un pays qui menace d'exploser à cause de sa géologie et où en hiver, il fait nuit tout le temps, tandis qu'en été, l'obscurité ne peut naître que de noirs nuages ou d'épais manteaux de cendre volcanique. Ou – mais là je parle de morale – des sombres agissements de puissants de l'île... Heureusement cette dernière phrase est révolue, car c'est le message subliminal du roman, Katrín Jakobsdóttir est la Première ministre d'Islande et désormais tout cela c'est du passé, comme l'énorme crise de 2009. (Jean Rebuffat)

Katrín Jakobsdóttir et Ragnar Jónasson, Reykjavík, éditions de La Martinière, Paris, 2023, 436 pp, 22,50€